Événement I - Insouciance ○ L'Anniversaire de Déjanire

Estelle tâcha de masquer son plaisir lorsque le prince Hector s’adressa à elle et souffla à demi-mot le nom de ses terres, Pastel, quand il attendit qu’elle décline son identité à nouveau. Elle se montrait pleine d’une timide déférence, parce qu’elle n’avait pas cru pouvoir un jour avoir une conversation – ça comptait bien comme une – avec le prince. Enfin, pas aussi tôt, parce qu’elle espérait bien éveiller son intérêt. Mais cet échange fut bien bref, puisqu’ils étaient devant l’estrade et que Silas, sous les encouragements de son frère, montait sur scène afin de déclamer son poème à l’impératrice.

La petite demoiselle de Pastel en fut d’ailleurs fort étonnée, avant de se sermonner elle-même : Silas était peut-être militaire, mais le sang de Topaze coulait dans ses veines et forcément, il était au moins capable d’un peu de littérature. Certes, ce n’était pas les vers les plus élégants qu’elle eut jamais entendu, mais il s’en était très bien tiré, même si elle désapprouvait un peu les propos. Il ne pouvait que parler de s’incliner devant Déjanire et voilà qui était bien scandaleux, on aurait pu croire lire la description d’un amant fébrile et certainement, il représentait un excellent parti, mais il ne faut tout de même pas exagérer et pousser la flatterie en l’exposant devant tout Tourmaline.

Heureusement, après les félicitations d’usage, on ne s’attarda pas trop longtemps sur la prestation du Topazien : la foule se dirigeait déjà à l’intérieur où visiblement on avait organisé un bal en l’honneur de Déjanire, ce qui réjouit le cœur d’Estelle : il y avait bien longtemps qu’elle n’avait dansé!

- Oh Votre Majesté! C’est bien elle! Quelle délicate attention à votre égard!

Combien de fois Estelle avait-elle dansé sur les notes de la Sonate d’Opale? Quel merveilleux choix pour l’ouverture. Si cela n’aurait été mal vu, elle se serait avancée elle-même pour être la partenaire de l’impératrice : elle saurait tout aussi bien exécuter les pas des hommes que ceux des dames. Elle ne suivit pas sa souveraine, restant auprès de leurs hôtes :il aurait été bien mal venu de sa part de trouver partenaire de danse avant la fêtée, qu’elle comptait bien rejoindre dès que possible. La Sonate d’Opale! Elle ne manquerait cela pour rien au monde.

- Sire de Demain, certainement vous ne laisserez pas Sa Majesté sans cavalier au bras? souffla-t-elle pour encourager l’un des deux frères à rejoindre Déjanire. Elle n’approuvait pas exactement les rapprochements entre Silas et sa reine, il l’avait tout de même emmenée dans le désert sans chaperon, ce qui était bien inconvenant, mais houspiller un prince à faire quelque chose… voilà qui semblait une perspective encore moins désirable.

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Tout virevolte autour de lui. Déjanire qui brille d’un bonheur si mérité, Hector à l’air si sage en blanc, la foule qui se meut autour d’eux dans l’immense salle de bal et les gardes, si sérieux, qui s’agitent aussi discrètement qu’ils le peuvent. Tout tourne, si vite, lui semble-t-il, qu’il n’a pas l’occasion d’évaluer, d’assimiler un événement qu’en voilà un autre tout aussi merveilleux, ou tout aussi inquiétant qui se produit. Et dans ce tourbillon, à tenter de faire sens des derniers développements, se trouve un Silas qui s’est placé un peu en retrait dans l’espoir de gagner un peu de temps et, peut-être, d’éviter d’attirer davantage l’attention sur lui. C’est qu’il lui tarde déjà d’entendre les nouvelles de Lysandre.

Mais c’était sans compter l’humeur facétieux d’Hector, son frère ainé, qui semble avoir pris sur lui pour enquiquiner Silas aujourd’hui. « Vas-tu poursuivre tes démonstrations artistiques en nous montrant également ton pas de danse, mon frère ? » Et Silas de lui lancer un regard noir. Silas qui ne comprend pas cette nouvelle insistance d’Hector. Ce désir apparent de le voir perdre la face devant leur peuple, devant Déjanire. Qui ne comprend pas, non plus, comment il ne se rend pas compte des possibles danger d’un tel acte si public.  

« Sire de Demain, certainement vous ne laisserez pas Sa Majesté sans cavalier au bras ? » Cette demande, subtile, discrète. Et Hector qui ne semble pas désireux de se plier à la demande de la demoiselle de Pastel. Et alors une idée. « Certainement mon frère se fera un plaisir de vous accompagner sur la piste de danse, mademoiselle, puisqu’il insiste pour que j’offre mon bras à Sa Majesté. » Il offre un sourire tout charmant à Estelle, un nouveau regard à Hector, cette fois amusé lui aussi de cette petite rétorsion.C’est un jeu qui se joue à deux, mon frère…

Et Silas, donc, de s’éloigner, de rejoindre la rayonnante Déjanire devant qui il s’incline avec le plus parfait des décorums. « Votre Majesté, feriez-vous honneur à Topaze en acceptant mon bras pour cette première danse ? » À Topaze, à Silas, aussi, l’honneur, évidemment. Mais peut-être se présenter à elle au nom de Topaze aidera-t-il à réduire les rumeurs qui pourraient trop aisément se susurrer au sujet de Déjanire, à leur sujet à tous les deux. Il est peut-être maladroit Silas, il prend parfois des décisions que l’on pourrait lui reprocher, mais il ne cherche pas à mal faire, surtout lorsqu’il est question de leur impératrice…

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Madeline, à ses côtés, semble être ailleurs mais Benjamin ne lui en tient pas rigueur, les yeux fixés sur la belle Déjanire qui s'avance sur la piste de danse. La mercenaire finit par s'esquiver, lui précisant qu'elle n'aime pas ce qui semble se tramer, mais l'armurier ne répond pas vraiment. Il est capable de sentir la nervosité des gardes, oui, mais cela n'a à-priori rien d'inquiétant, si ? Madeline s'inquiète sûrement pour rien : c'est son métier, décide Benjamin sans plus s'y attarder. Quelqu'un s'avance déjà pour danser à son tour et l'armurier finit par s'éloigner un peu à regret. Qu'aurait-il pu faire, de toute façon, sinon regarder ?

Il ne s'éloigne pas énormément pourtant, le champ scintillant limitant assez efficacement les déplacements. Puisqu'il a fini de s'intéresser à la piste de danse, Benjamin décide de passer à une autre exploration, celle de ce fameux champ de force qui les empêche de quitter la place. La chose l'intrigue bien plus qu'elle ne le devrait : il faut être un prisme puissant pour maîtriser une telle magie, et les multiples possibilités de cette dernière n'échappent pas à l'armurier. Il s'imagine, sans aucune peine, ce qu'une arme avec un tel champ de force attaché pourrait faire : plus protectrice qu'une armure, plus légère aussi, ce serait une véritable révolution. Un bouclier doté de ce charme se vendrait sans peine dans toutes les contrées du monde, et Benjamin ne peut pas y être insensible.

Il doute que ce soit une illusion, mais il n'y a qu'un seul moyen de s'en assurer, n'est-ce pas ? L'aiguemarin s'approche de la barrière scintillante, évitant de son mieux les regards suspicieux des gardes, pour venir s'approcher. L'endroit est relativement désert, autant que peut l'être une grande place le jour de la foire, et il n'a pas de mal à s'approcher d'assez près pour se retrouver presque le nez collé à la barrière. Il n'a remarqué ni gardes, ni prismes spécialement affectés au maintien du champ de force, mais il n'a pas véritablement l'œil pour ce genre de chose. Madeline, sans doute, est plus spécialisée que lui sur le sujet mais elle s'occupe d'autre chose, il ne va pas la déranger pour si peu.

Benjamin lève la main gauche, ses doigts s'arrêtant à quelques centimètres seulement de la barrière. Son bras le démange, résultat de la brûlure encore douloureuse camouflée sous sa chemise vert d'eau, mais cela ne l'arrête pas. Alors, illusion ou sort particulièrement puissant ? Destiné à empêcher les gens de rentrer, de sortir, ou bien les deux ? A nouveau, Benjamin pense aux multiples possibilités qu'il pourrait tirer de la connaissance de ce champ de force. Il a toujours été de nature curieuse le jeune homme, et aujourd'hui ne fait pas exception.

Une dernière inspiration, et Benjamin plaque résolument la main sur le champ de force. Illusion ? Barrière réelle ? Un garde va-t-il intervenir, ou, plus simplement encore, il ne va rien se passer du tout ? Quoi qu'il en soit, il sera fixé.

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Elle s’attendait à voir le prince Hector de Demain la suivre, s’incliner, proposer. Pendant un instant, elle doutait, Déjanire, à voir sur elle les yeux se braquer, à voir quelques inconnus faire un pas vers elle en espérant le premier pas d’une première danse. Mais c’est Silas, bien sûr, qui la rejoignait le premier. Silas, toujours, pour la retrouver. Militaire jusque dans ses manières, à s’incliner devant elle parfaitement, si sérieusement. Ferait-elle l’honneur à Topaze en acceptant son bras pour cette première danse? Son minois s’illuminait plus encore. Une révérence pour toute réponse. Elle voyait bien quelques-uns murmurés, dans la petite foule assemblée, à la voir s’envoler entre les bras du deuxième né. Mais elle les oubliait alors que les cordes vibraient, alors que les flûtes s’élevaient. La Sonate d’Opale au bras d’un Topazien tout vêtu de blanc. Malgré la guerre, une célébration parfaite pour ses trente ans.

- Vous m’avez surprise avec votre poésie, Silas… Je vous devais bien une danse.

Autour d’eux, les paillettes dorées tourbillonnaient jusqu’à se dissiper. Toute petite, entre ses bras, le visage levé pour murmurer entre deux pas. Des taquineries douces, comme souvent, à lui demander quel talent il n’avait pas. À lui demander où il avait appris à danser ainsi. La danse s’achevait, et Déjanire succédait à Estelle de Pastelle entre les bras du prince Hector. Une danse plus rapide, plus amusante, à l’image du souverain des terres du Silence. Virevolter à s’oublier. Elle s’arrêtait enfin, Déjanire, lorsque les dernières notes s’élevèrent, les joues roses et le regard brillant. Loin, les tourments, alors que ses convives festoyaient, alors que ses proches s’amusaient. Impératrice au coeur léger, à naviguer adroitement entre les invités, à remercier la venue de la noblesse éloignée. Des sourires conquis, des œillades sincères, des mots tendres et bienveillants pour certains, des mots assurés et confiants pour les autres. Elle avait toujours su apprivoiser ses sujets, soient-ils petits ou grands. Sa diplomatie, son unique talent.

- N’oubliez pas de prendre les billets. La pauvre petite s’époumone encore…

Un verre de vin entre les mains, elle laissait l’une de ses demoiselles de compagnie courser la gamine à la voix de crécelle et récupérer quelques billets pour les frères de Demain et sa suite. Sans un regard pour les gardes et leur nervosité. Une confiance entière en Silas et ses manœuvres.

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« Vous m’avez surprise avec votre poésie, Silas… Je vous devais bien une danse. » Il sourit légèrement, non sans une certaine timidité qu’il s’efforce bien entendu de cacher. « Je n’aurais su refuser votre demande, Votre Majesté. »  Même si vous avez certainement remarqué que je ne connais guère de vers appropriés pour l’événement, ne peut-il s’empêcher de songer. Mais la complexité de la danse qu’il mène, qui les fait virevolter au son d’une mélodie si étrangère, accapare sa concentration. S’il sait danser, c’est qu’il a appris. Il a bien fallu, en tant que frère du Prince. Mais cela fait longtemps qu’il n’a plus pratiqué ces pas et cela rend la conversation plutôt… délicate. Superficielle, peut-être, dans un effort de préserver les apparences tant dans la perfection de cette danse, que dans une relation tout à fait amicale avec Déjanire.

C’est le cœur un peu plus léger – les inquiétudes un instant oublié – qu’il laisse Hector le seconder au bras de leur jolie impératrice. Il profite de l’occasion pour s’installer un peu en retrait, observer la salle, observer ce qu’il s’y passe. Il y a trop à risquer pour qu’il ne se sente en mesure de complètement s’abandonner. Il se passe trop de choses pour qu’il parvienne à les ignorer.

Alors que certains posent un regard inquiet sur les grandes portes que viennent de fermer les gardes, c’est l’image des inconnus qui semblent être parvenus à se faufiler hors de la pièce, à travers la barrière de force qui ne cesse de rejouer dans sa tête. Il ignore si ses gardes ont vu. Il est sur le point d’aller discuter avec l’un d’eux lorsque les invités sont appelés à se présenter sur scène pour récupérer leurs gains de la tombola. Alors il patiente. Il attend son tour. Et alors qu’on lui remet son premier lot, il se penche vers le garde pour murmurer : « Deux figures semblent avoir réussi à s’échapper à travers la barrière. Agiles, vêtues de noir, masquées. Retrouvez-les. » Il doit faire bref, le sourire aux lèvres comme s’il n’avait échangé qu’une plaisanterie avec un camarade d’arme. Après tout, peut-être lui offre-t-il de faire une partie de carte à la caserne un de ces quatre ?

Il retrouve ensuite sa place, un peu en retrait, discret comme doit l’être le second-né, surtout après les coups d’éclat de la journée. Il se doute qu’arrive le temps des discours longuement préparés pour l’occasion, que la foule continuera à rester relativement sage, et peut-être cela permettra-t-il de mieux comprendre ce qui se passe.

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La réaction du champ de force à son toucher est intéressante, à défaut d'un autre mot. Il n'est pas moins intrigué Benjamin, après l'avoir effleuré, de cette curieuse réaction et de son apparente opacité. Pas une illusion, donc. Un vrai champ de force. Avant qu'il ne puisse pousser plus loin sa réflexion pourtant, une masse de gardes fond sur lui comme des loups sur leur proie - ou comme le lac sur les parties intimes d'un imprudent, disent les légendes enfantines d'Aiguemarine qui se transmettent de générations en générations - sans qu'il ne puisse rien anticiper. Il lève aussitôt les mains en reculant d'un pas Benjamin, prenant son air le plus innocent. "Je voulais seulement toucher !" Assure-t-il avant de se laisser entraîner sans résistance un peu plus loin.

Il est rapidement fouillé l'armurier, qui bénit désormais le fait qu'il ai dû laisser ses armes à l'entrée de la salle, sans quoi il aurait eu bien plus d'explications à fournir. On lui demande son nom, sa qualité, et Benjamin fait preuve de la meilleure volonté qu'il soit. Un garde l'a reconnût, sans doute, parce qu'à sa grande surprise, personne ne pousse plus loin l'interrogatoire. Il n'est pas jeté dans un cachot, pas même éjecté manu-militari, on se contente de le sermonner et de lui recommander de ne plus toucher. Il s'en tire bien, l'armurier. Étonnant bien, à sa plus grande surprise : pas qu'il aurait espéré être jeté dans un cachot immonde, non, mais il aurait pensé que la punition serait un peu plus... sévère ? Après avoir vu le stress des gardes tout à l'heure, leur façon d'isoler certaines personnes, leur attitude semble étonnement légère. Presque comme... s'ils savaient quelque chose qu'il ne savait pas.

Le champ de force semble impénétrable, de leur côté du moins. Il n'a pas pu pousser ses investigations très loin, mais la logique voudrait qu'on les empêche d'entrer et non de sortir, n'est-ce pas ? Pourquoi les garder enfermés ? Une brusque bouffée de panique s'empare de lui et il se force à respirer l'armurier. Il n'est pas claustrophobe - pour un résident de Saphir, ce serait le comble ! - mais l'idée de ne pas pouvoir partir le perturbe. Les danses ont commencé, bien peu de personnes semblent s'inquiéter et quand on fini par annoncer les lots de la tombolas, la majorité des convives semblent être ravi. La suspicion de Benjamin se fait d'autant plus vive : on dépense des trésors d'imagination et d'argent pour les garder à l'intérieur. Pourquoi ? Qui est ce "on" ? Et surtout, à qui confier ses interrogations ? Une silhouette, un peu en retrait, attire son attention : le poète de Déjanire, noble de son état, observe la foule un peu plus loin. Qui sait, lui se montrera peut-être réceptif à ses interrogations ?

Il s'approche avant d'attirer l'attention de l'homme. "Messire, pardonnez mon questionnement, mais j'aimerai savoir pour quelle raison nous sommes tous retenu ici. La logique voudrait que l'on soit incapable d'entrer, non de sortir." Et, à Janvier l'étiquette !  Il ne peut pas s'empêcher d'ajouter, curieux comme il est. "Qui, au juste, a créé ce champ de force ?" Parce qu'il aurait deux ou trois questions à lui poser aussi, Benjamin.

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Entourée d’un garde armé et d’une brume rescapée de la prise du palais des Astres, Déjanire avait rejoint l’estrade comme tant d’autres avant elle. Ses billets dans le creux de ses mains blanches, elle témoignait sa sincérité quant à cette tombola créée en son honneur. Aucun leurre. Aucune tricherie. L’Impératrice revenait avec les bras chargés. Des chaussettes satinés ensorcelées, un recueil de contes ouvragé et cette peluche d’enfant qui allait réchauffer ses nuits, parce qu’ici, au cœur du désert de Topaze, les soirs étaient frais, bien plus qu’en Opale. Son sourire, sa douceur, rien n’avait pu laisser présager qu’elle avait vu les danseurs de noir vêtus, ni même l’attroupement soudain près des champs de force.

Une confiance aveugle aux gardes d’Hector.
Une confiance aveugle en Silas, aussi. Surtout.

Puis la noblesse invitée, puis les diplomates, les hauts gradés. Tous défilaient à leur tour sur l’estrade, recevant des prix farfelus ou richissimes, rares ou fort utiles. Aux premières loges de ce déploiement de magie, elle applaudissait, la douce souveraine, elle félicitait, un mot en murmure pour les gens de sa suite, à commenter la joliesse des enchantements, la chance des gagnants. Et lorsque tous les présents furent distribués, lorsque les invités furent enchantés, Déjanire délaissa ses lots à sa belle Déidamie pour retrouver l’estrade, une fois encore, ses ornements à la mode topazienne brillants plus encore, à l’instar de son regard. Une souveraine heureuse. Heureuse d’offrir enfin à son peuple.

- Cher peuple, nous fêtons aujourd’hui le trentième anniversaire d’une souveraine. Dix-neuf années de règne, mais également dix-neuf années de loyauté et de confiance. Auprès de mes sujets, j’apprends. De vos craintes, de vos joies, de vos peines, j’apprends. Et auprès des enfants de Topaze, vous qui m’avez accueillie si généreusement, je m’éduque.

Que cette journée du premier mai ne se limite pas à une souveraine célébrée. Aujourd’hui, je souhaite vous célébrer, enfants de Topaze, peuple du Silence. Je reprends une coutume qui vous est précieuse et j’offre à l’une des familles d’ici, sitôt la princée de Nacre retrouvée et mon palais libérée, d’y séjourner un mois entier à mes côtés. Dans l’attente de cette libération, le châtelet d’Onyx se prêtera à cette coutume. Une famille tirée au sort pourra s’y rendre et y vivre. L’intendant d’Onyx est présent aujourd’hui au castel afin d’effectuer le tirage.

Cher peuple, je vous célèbre et m’enorgueillis d’être à votre service. Mon amour pour Carat et pour mes sujets ne connaît aucune limite. Je souhaite, pour ce nouvel Été, un empire fort et unifié.

Elle s’était inclinée, Déjanire, bassement, humblement, devant cette foule rassemblée. Une cascade de soieries colorées et de boucles soigneusement coiffées. Déjà, au dehors, la nouvelle du présent de l’impératrice courait les rues et les demeures. L’Impératrice ouvrait son châtelet en l’honneur de leur coutume la plus importante.

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