Événement I - Insouciance ○ L'Anniversaire de Déjanire

Qu’elle était belle, la cité de Tourmaline, pour accueillir le Nouvel Été et fêter son Impératrice! Déjanire n’avait de cesse de contempler les décorations, charmée, émue, le regard brillant d’émotion et de bons sentiments. Et quel talent, aussi..! Elle avait questionné discrètement Hector de Demain, à ses côtés, sur l’identité d’un artiste dont la murale l’avait particulièrement ébranlée. Il trouverait le nom du Topazien, elle en était convaincue, avec dans la tête l’idée d’enjoliver ses appartements de fresques. Parce que l’occupation des terres de Nacre s’éternisait. Parce qu’il lui faudrait bien, tôt ou tard, prendre ses aises dans ce Castel partagé qui devenait le sien. Puis les banderoles délicates. Puis les déclamations…! Elle entendait quelques-unes de ses demoiselles de compagnie, à sa suite, s’enthousiasmer devant autant de joliesse, s’exciter pour la vente de billets d’une tombola. Les billets distribués parmi la délégation ; le sien dissimulé dans le pan de sa robe éclatante aux milles broderies, dans l’ombre de son châle assorti. Et il lui semblait soudainement qu’aucune scène n’aurait pu la ravir autant pour ses trente ans que de voir les gens de sa suite, liée à elle par l’horreur, par une fuite, retrouver un semblant de bonheur, une parcelle de réconfort, dans ces terres si différentes des siennes. Différentes, mais si généreuses, si accueillantes.

- Il me tarde de connaître l’étendu du talent des artistes topaziens.

Le sourire en étendard, elle se confiait aux gens de qualité qui l'accompagnaient dans ce déploiement, aux abords du castel princier. Aucun doute quant à sa sécurité ; Silas y avait veillé, elle en était convaincue, Déjanire. Pleine confiance en son ami, d’autant plus qu’elle avait remarqué quelques gardes dissimulés ici et là, leurs regards sévères posés sur elle. Elle ne risquait rien à ses côtés. Elle ne risquait rien ici, sur les terres du silence, dans cette Princée alliée. Alors la fatigue d’une levée à l’aube pour les célébrations matinales du Nouvel Été chassée au loin. Il n’y avait plus qu’une ville en liesse pour elle, désormais. Et elle espérait si fort, la douce Déjanire, que le peuple s’amuse autant qu’elle aujourd’hui.

- Oh… Voilà donc ce dont vous me parliez, Hector. L’espace d’expression.

Elle considérait un bref moment l’estrade large, au coeur de la place, désormais désert d’orateurs et de poètes. Ses prunelles cerclées de noir pour observer cette délégation impériale. Sa tendre Déidamie, si discrète, qui semblait déjà deviner son manège, à dénier discrètement du chef. Demoiselle de Pastel bien sage. Mais c’est sur Silas que son attention s’arrêtait alors, tandis que son regard semblait soudainement dévier du sien. Comme pris sur le fait.

- Silas..? Me feriez-vous l’honneur de me déclamer un sonnet ou un quatrain?

Il y avait un petit quelque chose d’amusé ou d’espiègle, dans la douceur de son regard, au coeur de ce sourire qui fleurissait sur son minois. Définitivement, la proximité du prince Hector de Demain avait une influence discutable sur l’humour de l’Impératrice. Sur le bout des pieds, le cou légèrement tendu, elle venait murmurer à l’oreille de ce grand homme quelques mots que seuls ceux les entourant pourraient comprendre et s’en amuser.

- Seulement si l’envie vous gagne, n’en déplaise à tous ces regards désormais posés sur vous.

Spoiler:

Il a délaissé son stand Benjamin, où il présente quelques unes des plus belles - et tape-à-l'oeil, festivités oblige - pièces pour profiter, lui aussi, de la fête et des stands qui se tiennent sur la place principale, devant le château princier. Il l'a confié à la fille d'un ami, moyennant quelques livres, et a donc l'esprit tranquille pour profiter de tout ce qui s'offre à sa vue. Car tout est magnifique, il ne peut pas le nier : une débauche de couleurs, d'opulence, de joie se présente sous ses yeux, et il a bien l'intention de s'y mêler. Qui sait, il trouvera sans doute des personnes de qualité à qui vendre sa marchandise ?

Il est vêtu de façon recherchée Benjamin, avec sa plus belle chemise et ses plus riches tissus. Mais ce qui fait sa fierté, c'est bel et bien l'épée qui ceint son côté. Il a longuement hésité, l'armurier, à en faire cadeau à l'impératrice. Réellement, lui offrir, parmi sans doute la multitude de cadeaux qu'elle va recevoir. Mais Benjamin, même s'il n'en sait que peu sur la noblesse et ses moeurs, est assez intelligent pour supposer qu'il y a très peu de chance que son cadeau atteigne l'impératrice... et encore moins, à vrai dire, que quelqu'un ne s'en empare pas pour l'offrir en son nom propre. Hors de question que son talent ne serve à l'élévation de quelqu'un d'autre ! Alors tant pis, il gardera sa magnifique épée et trouvera bien à la revendre, plus tard, à quelque noble de passage sur son stand. En attendant, il la porte fièrement, et en fera sans doute la démonstration à un moment : la garde de l'épée s'enroule autour de la main de son propriétaire, tel un serpent ondulant aux anneaux de feu. Ce n'est qu'une illusion, charmes combinés de la magie d'un Brume et de la sienne, mais l'effet est saisissant. Et inoffensif, contrairement aux prototypes un et deux dont il garde encore la marque de la brûlure sur tout son avant-bras. Cela le démange encore, surtout lorsque le tissu dérange ses pansements, mais cela guérira. Et cela vaut la peine, lorsqu'il contemple la merveille ceinte à sa ceinture.

Un attroupement, un peu plus loin devant lui, attire son attention. Massés devant la scène d'expression libre, une délégation de gens bien vêtus - riches, donc - semble débattre de la possibilité ou non de montrer l'étendue de ses talents. Ou non-talents. Quand Benjamin est arrivé ce matin, un vieil homme qui sentait la bière à plein nez y déclamait des verres à moitié compréhensibles, mais désormais, la scène est vide. Et le restera, si quelqu'un compte sur l'armurier : il tient trop à sa réputation pour se ridiculiser là-dessus. Mais, en toute honnêteté, il n'a rien contre voire les gens se ridiculiser ! Résistant à l'envie de chiffonner le ticket de tombola qu'on lui a remis, et qui porte brillamment le numéro 4, l'armurier décide plutôt de croquer dans l'une des douceurs sucrées achetée sur un stand un peu plus loin. Une espèce de monstruosité qui dégouline de miel, cette spécialité rubine que bien peu de gens apprécient. Il en fait partie : c'est pâteux, collant, et trop sucré. Pas vraiment terrible. Mais il l'a payé, quand même, alors il compte bien la finir, quitte à devoir laver ses doigts tout poisseux pendant dix bonnes minutes.

Spoiler:

Il ya quelques mois, si on avait demandé à Estelle de quelle façon elle célébrerait l’anniversaire de sa souveraine, elle aurait répondu en grandes pompes à Opale. Elle aurait revêtu sa plus jolie robe blanche pour l’événement. Puis, il y avait eu la fuite et dès lors elle songea que ce jour de fête risquait d’être bien terne pour son impératrice. Finalement, Topaze s’était revêtu de ses plus beaux ensorcellements pour célébrer et louer Déjanire. La distraction était bienvenue et oublier pendant quelques heures que la Trinité s’était emparé de Nacre, que son comté avait peut-être été souillé, voilà qui était une vraie libération devant un tel fardeau. Et puis, la belle reine avait bien besoin de se détendre un peu, d’avoir quelques plaisirs : elle souffrait déjà assez tous les jours. La demoiselle de Pastel savait gré à Hector de Demain et tous ses subalternes assez éclairés pour approuver la chose, de cette petite fête improvisée en l’honneur de la couronne qui les unissait et les guidait.

Mêlée aux autres dames de compagnie de Déjanire, la jolie héritière se tenait calme et posée, là où les autres s’exclamaient bruyamment avec des rires joyeux. Elle-même ne manquait certainement pas de gaieté, mais elle savourait les merveilles avec une certaines quiétude, une retenue délicate qui lui permettait de s’émerveiller plus encore. Là où les oh et les ah trahissaient l’enthousiasme des autres, Estelle ne laissait transparaître son plaisir que par ses yeux pétillants et le léger sourire discret qui illuminait son visage sans qu’elle ne s’en rende compte. Ses prunelles se tournèrent vers Déjanire qui invitait coquettement Silas de Demain à la charmer, ainsi que la foule, par l’improvisation d’un petit poème. L’installation attire particulièrement l’attention d’Estelle, elle qui goûte agréablement à toute littérature, dont la poésie. Elle essaierait bien un petit sonnet pour charmer les oreilles de son impératrice, mais elle ne tenterait tout de même pas d’éclipser la prestation de leur sauveur!

- La princée de Topaze s’est vraiment surpassée pour l’anniversaire de Sa Majesté, souffla-t-elle en ne s’adressant à personne en particulier, Tout est merveille et je me réjouis de voir que les affections du peuple ne se sont pas détournées vers la Trinité.

Ses dernières paroles furent un peu étouffées par les pépiements joyeux des autres demoiselles de compagnie, toutes prêtes à s’exclamer et s’extasier devant la déclamation poétique de Silas. Estelle ignorait si elles s’y intéressaient sincèrement parce qu’elles étaient tout aussi friande de poésie qu’elle-même ne l’était, ou bien parce que leur maîtresse l’avait suggéré et elles cherchaient à la flatter en montrant un engouement marqué.

- Je me demande bien ce qu’un militaire peut bien connaître à la poésie, se demanda-t-elle à voix, inconsciemment. Elle surprit sa réflexion un peu en retard et jeta un coup d’œil à ses voisines et voisins, tout en espérant que personne ne l’avait entendue. Elle n’avait pas l’intention de se brouiller avec la famille de Demain pour une remarque aussi inoffensive que celle-là. Ils leur avaient offert l’hospitalité tout de même et Hector était un homme important, avec certains charmes, et l’idée de se l’attacher avec peut-être traverser l’esprit d’Estelle : une princée, c’est tout de même mieux qu’un comté peut-être perdu à jamais.

Spoiler:

Oh que Tourmaline était belle ! Elle avait presque des airs de l’Opale qu’ils avaient jadis connu - qui sait ce que la Trinité en avait fait à présent ? La ville toute d’ordre et de sobriété d’ordinaire se paraît à présent d’un millier de couleurs, de banderoles et de fioritures. C’était le moins qu’ils puissent faire, pour essayer d’égayer cet anniversaire qui devait être plus morose qu’à l’habitude pour leur Souveraine déracinée de ses terres. Hector était fier du travail commandé et accompli, et surtout il se plaisait du regard étincelant de Déjanire devant les splendeurs qu’il avait concocté pour elle ! Il savait cette fête réussie, à seules ses exclamations et celles de ses suivantes, et s’en enorgueillissait avec grande joie !

Et tous les regards se tournaient sur leur petite délégation alors qu’elle s’engouffrait dans les rues de la ville. Sur la belle Déjanire, évidemment, reine de toujours mais encore plus d’aujourd’hui. Mais également sur leur Prince préféré à tous - qu’Hector aimait bien se faire croire. Il avait troqué ses couleurs vives habituelles pour se vêtir entièrement de blanc en l’honneur de leur Souveraine, et seules les franges du châle qu’il portait à moitié enturbanné sur sa tête faisait rappel du bleu tourmaline qu’il arborait si souvent. Qu’il était beau, ce Prince à l’allure fière, au sourire de splendeur et de réussite, alors qu’ils festoyaient dans ce monde tiraillé des troubles de la Révolution.

La remarque d’une des demoiselles de l’Impératrice se rend jusqu’à son oreille, et un instant le Prince ralenti le pas pour se retrouver à ses côtés et recueillir le compliment lancé avec à peine de vanité. « N’est-ce pas que tout est absolument splendeur ! » Son regard glisse sur la jolie jeune femme, cherchant un instant s’il se souvient d’un nom - en vain. Il se souvient certes d’avoir vu la jolie aux côtés de leur Reine, mais il n’a pas le souvenir qu’ils se soient officiellement présentés - où certainement qu’ils l’ont été mais le nom a été oublié les dizaines d’autres qu’on lui a répétés. « J’espère que tout cela vous donne quelques souvenirs heureux de votre chez-vous, demoiselle de...? »

Ils se sont arrêtés devant l’estrade d’expression - vide à l’instant - dont il avait glissé mot à Déjanire. Et la proposition de cette dernière, glissée à l’attention de Silas juste assez fort pour que seul leur petit groupe en ait connaissance, ne manque pas de lui faire tourner la tête vers son frère. Son frère duquel il commence doucement à remarquer les attentions et les regards qu’il porte à leur Souveraine. Comme tous, évidemment, mais un peu différents que le Prince commence lentement à se questionner. L’occasion est trop belle, et Silas ne peut pas refuser telle demande, n’est-ce pas? Pourtant il lui semble que ce pourrait être son cas, à son frère, de se désister si savamment d’une telle demande.

Mais pas aujourd’hui. Hector tient à s’en assurer. « Oh! Mais quelle merveilleuse idée de notre chère Impératrice préférée ! N’est-ce pas, mon frère, que tu te feras plaisir de nous offrir une interprétation de ton talent !? » qu’il s’exclame à son tour, mais bien plus fort. En fait bien assez fort pour que déjà les regards autour d’eux se retournent et que les voix se multiplient dans l’excitation d’entendre la poésie de leur chef des armées.

Spoiler:

Si les couleurs dont s’adornent la capitale sont du fait d’Hector, la sécurité des fêtards repose depuis le tout début entièrement sur les épaules de Silas. Il a veillé à tout jusqu’aux petites heures de la nuit. À présent, il se sent vulnérable dans cette tenue blanche aux franges et fines broderies bleues que lui a fortement conseillée Hector. Il ne lui a pas interdit de porter son épée. C’était sa propre décision pour mieux honorer le thème de la fête. Il regrette un peu à présent qu’ils se retrouvent dans la foule, mais s’efforce de conserver son cœur léger et un sourire aux lèvres devant l’enthousiasme de Déjanire et de sa suite qu’il observe tout autant que la foule autour d’eux. Peut-être était-il un peu trop demandé que de sortir l’homme de l’armée pour une journée.

La foule s’écarte pour les laisser passer, et ils arrivent bientôt en vue de l’estrade qui, heureusement peut-être, est déserte. Il aurait été gênant qu’un mauvais orateur s’y trouve en présence de Déjanire. Un mauvais orateur… comme lui, apparemment.

Il toussote légèrement pour masquer bien piètrement sa surprise, son malaise, avant d’incliner la tête avec un sourire. Il ne pourrait pas lui refuser cela. Pas aujourd’hui, le jour de son anniversaire. Il lui faut trouver une source de courage, la puiser dans le regard de la dame en question, et non auprès d’Hector que Silas truciderait bien sur place. Il s’incline alors, avant de s’éloigner, de se diriger vers l’estrade en question. Il prend un instant avant d’y monter. Il cherche, Silas, ce qu’il pourrait bien déclamer à l’honneur de leur reine. Mais la foule attend, il sent son impatience, si bien que d’un bond il se retrouve sur l’estrade à faire face à la foule, les joues légèrement rosies par le soleil – bien sûr.

« J’offre ce poème, commence-t-il d’une voix forte, à la plus noble des dames. »

Son regard croise celui de Déjanire un instant, s’y plonge, brièvement…

« À la guerre il s’en est allé
Vers l’incertitude, a marché
L’amertume des larmes salées
Dans son cœur, tout là-haut perchée

Lui sera-t-il donné un jour
De les revoir, gents et gentes
Juillet soit avec lui, toujours
Son retour, qu’il diligente

À la guerre il s’en est allé
Cœur lourd, mais brandissant l’épée
L’amertume des larmes salées
Pour les soldats tombés, pleurées

Lui sera-t-il donné un jour
De crier joie, paix et victoire
Juillet soit avec lui, toujours
Expression jaculatoire »

Ceux qui, comme Silas, sont fervents d’histoire militaire reconnaîtront peut-être ce poème aux origines obscures. Le poème d’un soldat qui guerroie corps, cœur et âme au nom de son empire pour le protéger des menaces qui l’assaillent. Silas a le bon sens de taire les strophes choquantes alors que sa voix s’élève sur la place.

« De la guerre, enfin retourné
Fébrile, ses blessures oubliées
Le bonheur des larmes salées
Laisse de son cœur s’échapper

Lui qui est revenu ce jour
Humblement s’incline devant elle
Juillet était avec lui, toujours
Pour veiller sur la plus belle »

Son regard plonge dans celui de Déjanire alors que les derniers mots s’envolent. Lentement, il s’incline, non pas pour la foule, mais pour elle. Pour marquer la sincérité de ses paroles, de cette promesse qu’il lui fait, rien que pour elle.

Spoiler:

Madeline n’a pas souvent l’occasion de venir en Topaze, mais à chaque fois la même sensation la gagne : une douce langueur. Sans doute lié à l’immensité du désert dont elle n’a guère l’habitude, à la vue dégagée jusqu’à si loin que l’œil ne distingue plus. Et à chaque fois le même brusque retour à la réalité devant la forteresse qu’est Tourmaline et ses austères murailles.

Mais aujourd’hui la ville n’est que fête, lumière et bonne humeur. Oubliant derrière elle, le temps d’une trêve pour la belle impératrice, la rigueur des Topaziens. Madeline est enchantée d’être là. C’est une pause bienvenue dans la rudesse de sa vie. Et elle espère de tout son cœur pouvoir enfin rencontrer (ou au moins croiser) l’impératrice. Elle suit la foule, déambule de stand en stand sans être vraiment concentrée, les yeux toujours levés guettant l’arrivée de la suite impériale. Sans s’en rendre vraiment compte elle prend un ticket de tombola à la toute jeune fille qui lui pépie son discours d’un air enjoué.

Quand enfin un mouvement de foule annonce l’arrivée de Déjanire et sa suite, le cœur de Madeline fait un petit bond. Enfin ! Elle va pouvoir la voir, la si belle impératrice. Alors elle joue des coudes pour s’approcher, bousculant sans vergogne tous ceux sur son passage. Apercevant Benjamin dans la masse se débattant avec son rocher au miel (les rubins n’ont aucune imagination sémantique nul besoin de le rappeler), elle s’approche avec un sourire : 
« Tu ne devrais pas manger ça, c’est pas très bon… L’impératrice est arrivée ? Tu l’as vu ? »
Ce dernier n’a pas le temps de lui répondre alors qu’un grand bel homme fais taire la foule d’une voix forte. Madeline croit reconnaître un des princes de Topaze, mais elle ne sait jamais lequel est lequel… De toute façon ça n’a pas vraiment d’importance.
Il semble à la jeune femme reconnaître dans ses vers une vieille chanson de guerre que ses compagnons de la compagnie entonnent en fin de soirée enivrée. Elle considère que le sujet est un peu déplacé pour louer une femme, encore plus LA femme.

Lorsqu’il termine sa déclamation, l’homme fixe d’un regard intense un point précis de l’assistance. Madeline suit son regard... Et enfin elle l’aperçoit ! Magnifique ! Pleine de douceur et de prestance tout à la fois. C’est le plus beau jour de sa vie...

Spoiler:

Il a repris sa place dans la suite impériale avec calme en ignorant les regards qui coulent vers lui. Il n’aura eu qu’un sourire pour Déjanire avant que son sérieux ne revienne. Enfin, pas trop, tout de même. Ce jour reste un jour de célébration, et il s’efforce de chasser son naturel trop sévère pour l’occasion. Aussi se laissera-t-il aller à admirer le travail d’Hector – enfin des serviteurs d’Hector, soyons honnêtes – alors qu’ils pénètrent de nouveau dans le castel tout joliment apprêté.

Mais il est difficile, pour Silas, de conserver un sourire complètement sincère aux lèvres, car il s’avère bientôt distrait par les mouvements nerveux de ses hommes. Il les connaît, tous. Tous ceux qui sont chargés de la sécurité dans cette salle. Et il n’aime pas les voir ainsi s’activer sans savoir ce qui se passe. Mais il la retient, cette envie d’aller les voir pour mieux comprendre. C’est que les yeux sont tournés autant vers Déjanire que vers les merveilles qui les entourent, et de voir un prince s’éloigner soudain aurait sans aucun doute un effet inquiétant sur la foule. Puis, niveau subtilité, on a fait mieux qu’un prince tout de blanc vêtu dans une foule colorée…

Alors il fait ce qu’il peut faire de mieux : il indique Lysandre d’un geste discret à son capitaine. Puis le capitaine à Lysandre. Le tout dans l’espoir, bien sûr, que Lysandre puisse parvenir à mieux comprendre la situation et se faufiler dans la foule pour venir lui donner les grandes lignes. La sécurité de l’impératrice et du prince Hector pourrait être en jeux, c’est important.

Ses ordres muettement donnés, il se concentre sur les festivités qui les entourent. Sur Hector, sur Déjanire, sur leur suite. Il tente de se détendre, se répétant qu’il a entièrement confiance en ses hommes. Mais vu les événements des derniers mois, c’est une chose plus facile à dire qu’à faire…

Spoiler:

Le poème de Silas contre son coeur, pour contrer les jours de malheur. Pour contrer les horreurs. Parce que la guerre se terminerait, que ses rimes lui disaient. Parce que l'espoir reviendrait. Et son regard perçant sur elle, comme s'il ne déclamait rien que pour elle. C'était le cas, après tout. Comme eux tous, avant lui, après lui. Le rose sur des joues, à Dejanire, qu'on confondrait peut-être à la fébrilité du moment.

Et quel moment! Le grondement des portes qui s'ouvraient. Le murmure de la foule tout autour, léger comme le bruissement d'aile d'un papillon. Le bras posé contre celui du prince Hector, et elle s'avançait, émerveillée et conquise, par ce tourbillon d'or fin qui venait se déposer doucement sur elle. Souveraine pailletée. Impératrice aux lueurs ambrées. Toutes ces merveilles en son honneur, pour son anniversaire. Son peuple la fêtait au même titre que Mai. Oubliée, la guerre. Oublié, le sang. Il n’y avait plus que cette pièce mystérieuse qu’une arche leur dévoilait. Des fleurs en floraisons qui répondaient à sa propre tenue, leurs pétales arrondis d’un bleu vibrant aux onglets dorés.

- Je n’aurais pu espérer une plus jolie réception, Prince Hector. Vous me faites oublier ma princée pour mieux adopter la vôtre… C’est là un présent précieux.

Sous un sourire délicat, Déjanire lui rendait enfin sa liberté en retirant sa main de son bras. Les yeux brillants, le coeur chantant. Si le cadet se trouvait être son ami, son premier sujet… L’aîné rivalisait peu à peu, à tant de douceur pour cajoler ses humeurs. Les cris stridents de la petite vendeuse se faisait entendre à travers la foule, se rapprochaient, se calmaient enfin lorsqu’on lui en déroba quelques uns de plus pour la suite de l’Impératrice et du Prince Hector. Mais la distraction vite oubliée, car traversant la foule jusqu’à elle, calmant les murmures et libérant une vaste piste de danse, les premières notes d’une mélopée. Sonate d’Opale Une pièce connue des enfants de Nacre dont la complexité et la joliesse devait représenter la princée désormais dérobée. Un air connu, pour les exilés, malgré les légères nuances topaziennes.

- La Sonate d’Opale, Estelle. Ils la jouent pour nous..!

Une fête réussie en tout point, jusque là, jusqu’à la première mélodie pour ouvrir la piste de danse. Et elle s’invitait, Déjanire, d’un pas assuré, d’un port altier, d’une grâce toujours renouvelée. Sans un mot pour les Conseils qui se multipliaient, s’effacer devant les regards acérés de ceux devant pourtant l’écouter, mais toute en aisance, habitée du sentiment d’être à sa place, dans une réception où tous les regards se posaient sur elle.

Trente ans.
Expatriée. Veuve. Sa princée perdue. Son empire morcelé.

Mais pourtant son sourire, de fleurir. Chasser, les tourments et la violence. Son anniversaire, ses sujets, ses réjouissances. S’abandonner pour une danse.

Spoiler:

C'est une belle fête et chacun passe de ravissement en ravissement, quand les portes s'ouvrent et qu'une pluie de paillettes vient scintiller autour de leur impératrice, après que chacun des poètes, doués ou non, aient chanté ses louanges. Resté aux côtés de Madeline, Benjamin ne s'ennuie pas, observant avec attention - et, peut-être, un brin d'étonnement - tout ce qui se déroule sous ses yeux. Il n'a rien d'un noble, malgré les grands airs qu'il se donne souvent ; un bourgeois, tout au plus, pas aussi fortuné qu'il pourrait l’espérer. La pièce qui les accueille est magnifique et immense et, comme s'il avait de nouveau dix ans, Benjamin n'a pas assez de ses yeux pour tout voir, levant des regards admiratifs vers les colonnes marbrées.

Il n'a jamais assisté à une telle fête et la nervosité des gardes lui paraît presque normale : après tout, ils sont encore en guerre, il peut très bien y avoir des espions, des assassins, ou que sait-il encore cachés dans la foule. Un regard vers Madeline, qui en sait sans doute plus long que lui à ce sujet, et il finit par aborder un tout autre sujet. "Je t'offre un billet de tombola ?" Benjamin hèle la gamine à la voix trop perçante et lui achète le billet numéro 17, qu'il glisse dans sa bourse avec l'autre. Il a essuyé ses doigts poisseux sur une tenture qui semblait servir à ça - d'accord, il n'en sait rien, mais ça a été utile au moins - et son attention se retrouve soudain concentré sur Déjanire qui s'avance sur la scène de bal.

Il est armurier, Benjamin, et pas soldat mais il a l'oeil pour repérer les gens armés, et les gardes à la livrée noire et or semblent redoubler d'attention. Rien de plus normal, encore une fois, n'est-ce pas ? Par pure précaution, tout comme le bouclier qui les empêche de rebrousser chemin. C'est peut-être trop, mais c'est sans doute normal. Peut-être. Ou peut-être qu'il est trop naïf. De toute façon, toute velléité d'en savoir plus s'est évanoui lorsque l'impératrice s'avance pour quelques pas de danse. Il a été amoureux d'elle, Benjamin, comme un enfant de onze ans peut être charmé par une image, un rêve inaccessible. Ils sont nés tous les deux le premier jour du mois, lui en hiver, elle au printemps, peut-être ont-ils une connexion quelconque ? Un rêve d'enfant. Il s'imagine, quelques secondes, s'avancer sur la piste de danse, prendre dans sa main cette main si délicate, lui faire tourner la tête et les jupes dans une danse parfaite.

Quelques secondes.

Avant que sa raison ne prenne le dessus, sa peur d'être ridicule, lui ordinairement si fier, son esprit bien conscient qu'il ne sait pas danser et qu'avant même de saisir la main de la jeune femme, une dizaine de gardes dans leur si belle livrée risque fort de lui tomber dessus.

Il aurait aimé, Benjamin, être celui qui relève le défi de danser avec la belle Déjanire. Mais sous ses airs bravache, c'est avec réalisme qu'il raisonne : les belles impératrices qui tombent amoureux de gueux, ce n'est que dans les livres. Les jolies nobles qui dansent avec grâce entre les mains de bouseux capables, ce n'est pas la réalité. Et c'est bien dommage.

Spoiler:

L’attroupement provoqué par la salve de poèmes destinée à fêter l’Impératrice empêche Madeline de s’approcher comme elle le souhaiterait. Elle pourrait toujours se joindre aux poètes d’un jour pour attirer l’attention de la belle Déjanire, mais elle se refuse à se ridiculiser de son plein gré. Alors elle ronge son frein, la journée sera longue, les occasions multiples…

A l’ouverture des portes du Castel, Madeline fait comme tout le monde. Elle lève la tête pour contempler cette pluie dorée et les splendeurs de la nouvelle salle dans laquelle tout le monde est convié. Le spectacle est grandiose. L’immensité des colonnes de marbres rivalisent avec les couleurs chamarrées des buissons pour attirer les regards.

Du coin de l’œil pourtant, Madeline constate l’étrange ballet des gardes nuit et or de Tourmaline. Instantanément la jeune mercenaire se crispe, réflexe de ses années d’entraînement. Quelque chose d’étrange est en train de se tramer… Elle entend vaguement Benjamin à ses côtés lui poser une question et lui répond d’un air distrait :
« Hein ? Oh euh oui… Merci ! D’autant que si ça peut faire taire et s’éloigner cette gamine, c’est une double victoire. » Et elle le pense, Madeline, la voix criarde de la petite fille l’empêche de concentrer convenablement son attention. Et elle n’aime pas ça… D’autant qu’elle a été dépouillée de ses dagues à l’entrée, elle se sent comme nue après avoir passer tant d’années sans les quitter.
« C’est vraiment étrange… » Marmonne t-elle entre ses dents. Puis enchaînant pour Benjamin : « Je vais aller jeter un œil de plus près, je n’aime pas ça... » Ni une ni deux, elle le laisse tout à son attention pour la piste de danse, pour s’éloigner vers la porte par où ils sont entrés. Cette agitation fébrile des gardes, ce voile scintillant empêchant visiblement tout retour en arrière, tout cela tracasse vivement la mercenaire qui se sent comme prise au piège dans un jeu dont elle ne maîtrise pas les règles. Agaçant…

Apercevant un homme se détacher de la suite de l’Impératrice et se diriger vers un groupe de gardes, elle décide de discrètement prêter l’oreille à leur échange. Pour être convenablement préparer à réagir efficacement, il faut que Madeline sache de quoi il retourne. Ça, et puis la curiosité presque maladive de la jeune femme aussi…

Lysandre : « Y aurait-il une quelconque menace parmi les marchands venus ce jour ? » Ce n’est pas la question que la mercenaire aurait choisi, mais ce sera déjà un bon début.

Spoiler:

Silas avait bien fait, sur la petite estrade, avec son poème militaire! Peut-être un peu trop militant, encore et toujours, mais que pouvait-il attendre de son frère autre que ceci? Alors quand il eut terminé, c’est avec grandes exclamations que le prince l’avait félicité, clappant des mains bien fort et scandant un « Bravo! Bravo! » rapidement repris par la petite foule qui s’était tassée pour écouter leur chef des armées jouer des vers plutôt que des armes.

L’estrade se fait vide, ensuite, comme si personne n’ose réellement passer après Silas. Mais qu’importe parce qu’un grondement puissant se fait entendre, suivi d’une magnifique pluie de paillette qui ravi tout le monde et vient les coiffer d’or scintillant ! Hector tourne un regard vers Déjanire, alors qu’ils se font inviter à rejoindre la salle qu’il a fait décorer pour la suite des choses. Il offre son bras à son Impératrice et ensemble ils ouvrent le chemin, suivi de leur petite suite, des nobles, mais aussi de toute la populace présente ! Personne ne se fera vraiment prier de les rejoindre, ce n’est pas tous les jours que le castel est ainsi ouvert à tous, et bientôt l’immense salle se verra bondée. Mais Hector est ravi. Ravi de l’impression qu’il laisse à sa reine, ravi également de tous les regards admiratifs qu’il voit levés sur les décorations qu’il a fait ériger. Tellement ravi qu’il ne remarque en rien les gardes qui sont tendus - mais c’est le travail de son frère de se soucier de cela, n’est-ce pas?

Il sourit à Déjanire, avant que sa main sur son bras se relâche. Elle le remercie en ses mots de la fête qu’il lui offre et il lui assure que ce n’était là que la moindre des choses à lui offrir dans les circonstances.
Et une musique se fait entendre. Une musique un peu étrangère pour le peuple du désert, mais qui fait naître à nouveaux les souvenirs dans la suite venue d’Opale. Il observe leur souveraine rejoindre la piste de danse, bientôt rejointe par plusieurs, alors que lui se recule un peu pour aller se poser près de son frère. « Vas-tu poursuivre tes démonstrations artistiques en nous montrant également ton pas de danse, mon frère? » qu’il lance en rigolant un peu.

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