Événement I - Insouciance ○ Le Premier Été

Être à Opale remue le couteau dans la plaie de son absence de la capitale. Son effervescence lui manque, autant que son étude, ses collègues, ses clients qui ont vu les dossiers être mis en pause pour un temps indéterminé. Le temps de trouver une nouvelle façon de travailler autour des notables changements de gouvernance qui occupent leurs esprits.
Si seulement ce n’était que cela, bien sûr.

L’escorte venue de Nacarat est plutôt réduite ― après tout, tout le monde est ici entre ami·e·s, n’est-ce pas ? Escorte réduite et pourtant rapprochée, afin de ne pas perdre de vue qui que ce soit parmi la foule amassée afin de célébrer le Nouvel Été. Jour de liesse pour tous et toutes, y compris l’avocat qui retrouve peu à peu un semblant de joie alors qu’ils arrivent enfin à Opale. Il sait que sa douce Bérénice est parmi les Prismes qui ont mis leur talent à l’honneur de cette fête et ainsi, il n’est pas tout à fait surpris lorsque ses vêtements et ses cheveux prennent entièrement la couleur maîtresse (ou l’absence de couleur) de la nation. Simon a plutôt un rire ravi et pour son oncle, présent à ses côtés, un « Et elle aura réussi à nous cacher tout cela » complice.
Il croise, dans son geste, le regard de Hyacinthe, et au lieu de le soutenir, s’en détourne bien simplement. Juste à temps pour qu’un garçon vienne lui demander d’acheter un billet de tombola, acceptant seulement de partir lorsque Simon en acquiert un pour lui-même et un pour la Nacarat (et tant pis si elle ne veut pas le prendre, ça lui fera plus de cadeaux). Il lui tend justement son billet, tout sans lui avoir adressé un mot, lorsqu’un couple les croise. « Quel couple ravissant !, s’exclame la jeune femme, tout aussi vêtue de blanc qu’eux, si ce n’est qu’un rose éclatant fleurisse à son flanc. Puisse votre union être bénie par Mai. »

C’est gênant.

La gueule que tire l’avocat est probablement au moins aussi grande que lui-même (ce qui n’est pas peu dire), alors qu’il n’ose même pas corriger la jeune femme, qui déjà s’est éloignée. Encore moins regarder Hyacinthe, qui doit afficher à peu près la même expression. Enfin… qu’en sait-il ? L’homme coule un regard de biais vers sa prisonnière otage compagnie festive du jour. Pas très festive, décide-t-il. « Y a-t-il une attraction qui vous intéresse davantage, ma dame ? », ose enfin demander Simon, déjà prêt à se faire rabrouer par la dame en question. Le temps sera long.

Spoiler:

L’invitation est arrivée, signée personnellement – à d’autres – de la main d’une des Forces de la politique interne menée par Dorothée quatre jours plus tôt. A celles et ceux qui liront. Nous invitons cordialement le comte Armel de l’Iridescence et sa famille à venir prendre part aux festivités se déroulant en la capitale d’Opale en ce jour du 1^er mai. Une garde personnelle sera fournie, si besoin est, au comte lors de son arrivée sur les lieux.
Armel est passé par Amandine, bien entendu, pour pouvoir répondre : quelque chose de simple et gracieux – de masculin, quand même, Amandine ! - pour accepter en tout honneur et avec une grande joie de venir honorer de leur présence la capitale d’Opale. Il a tout de même refusé la garde : pour qui le prend-on ? Il a ses propres gardes !
(Sa sœur a piaillé des heures mais il n’a rien entendu. Et si on nous découvre, Amandine ? Tu feras quoi ? )

Il a coaché, brièvement, Évariste – accessoire de mode !  – sur la tenue à adopter: autant dans l’allure (vires-moi ces saletés noires, zou !) que dans le parler ou l’attitude. Pour quelques heures, une journée à peine, il sera son cousin de l’Iridescence. Cousin par le sang pour lui assurer les égards dus à un noble et pour les éviter les affections de sa sœur. Amandine a, en effet, plus d’une fois essayé de lui mettre innocemment le grappin dessus : sans doute estime-t-elle qu’un homme du peuple d’une princée qui traite les dames en reines sera plus malléable que n’importe quel bon parti de la Nacre. (Mais Armel en bon frère – d’armes – refuserait de priver le brun de sa liberté. )

Ils sont venus en carrosse, frappé aux armoiries scintillantes de l’Iridescence, rose aux pétales colorés, bois patiné soigneusement entretenu par sa famille, ont posé le pied sur les pavés clairs d’Opale et ont passé les portes nacrées à midi précises. « Essaye de ne pas te mettre quelqu’un à dos, on n’a pas le droit de se faire reconnaître, Eva. » murmure le comte méconnaissable en ce jour : il est loin, le fier révolutionnaire couvert de sang et aux vêtements sentant la poudre et les flammes ! Aujourd’hui vêtu d’un costume léger d’un blanc absolument immaculé, ses cheveux de neige cascadent sur sa peau et lui donnent l’air d’une statue d’albâtre et de pierre de sel. Amandine leur fausse bien rapidement compagnie en se rapprochant de sa chère et tendre amie Dominique et de son époux – que le comte de l’Iridescence salue vaguement d’un geste du chef. Ils ont récupéré leurs tickets de loterie, après tout, ils n’ont pas d’autre chose qui les attend…

« Ca ne te fait pas bizarre ? De revenir ? » demande-t-il en se frayant un chemin parmi les gens – certains éclaboussés d’orange et de violet vif, d’autres recouverts d’un vert pastel franchement dégueulasse. « Oh, dis, tu veux qu’on aille voir les mariéEs ? On pourrait noter leurs tenues ! Ou se moquer d’eux, ça marche aussi ! » s’exclame l’autrefois brun avec un grand sourire.

Spoiler:

Le cœur n'était pas à la fête... Loin de là même... Mais il aurait été bien stupide de penser que l'un ou l'autre de nous avait le choix. Car c'était ça, le règne de la Trinité, ne pas plier le joug relevait de l'insubordination et, sans aucun doute, de la mort. Ma tête était bien vissée sur mon cou, mais jusqu'à combien de temps ? Aux yeux du reste du monde, j'étais le cousin du Comte de l’Iridescence. et de sa sœur. Cette dernière d'ailleurs... Si elle pensait que je n'avais pas vu son petit manège... Elle me tournait autour, je jouais aux idiots, comme toujours, mais j'étais loin de l'être vraiment.

J'avais joué les mannequins pour Armel, le laissant me parer de toutes les couleurs qui lui chantaient, mais je devais avouer que les couleurs sombres me manquaient, c'était plus simple de se cacher dans l'obscurité et de passer inaperçu. Mais c'était pas le style de la maison.
Nous étions arrivés en carrosse, et à peine avais-je posé un pied sur le sol que ma tenue s'était vue perdre toutes ses couleurs. Je regardais Armel et sa soeur. Eux aussi avaient subit le même sort. Allons bon... Même les cheveux y étaient passées. J'usais de mon plus joli masque, une expression neutre fichée sur le visage. Aujourd'hui j'étais un noble... Autant dire que je devais me montrer agréable avec les gens "de mon rang", méprisant pour les autres. J'étais né et j'avais vécu en Aiguemarine, ça ne devrait pas poser problème. Et... J'avais décidé que moins j'en dirais, mieux ce serait.

"Tu sais j'ai pas été élevé dans les montagnes de Rubis non plus... Je sais me tenir hein."  Je murmure pour mon ami.

Une pièce lancée au gamin venu nous piailler aux oreilles (franchement... Ce prix ? Ce gamin devait se faire une bonne marge, c'était un malin, à n'en pas douter.), notre ticket de loterie en poche, et Amandine mystérieusement disparue (enfin... Pas si mystérieusement que cela, mais elle serait quitte de me tourner autour dès qu'elle aurait 2 minutes. La femme était jolie, gracieuse, intelligente et de bonne compagnie... Mais si j'avais fuis dans la Compagnie de Diamant c'était bien pour ne pas avoir à me marier et pouvoir espérer vivre heureux avec un homme qui me plaîrait. La voix de mon ami me parviens alors que nous nous frayons un chemin dans la foule. Je me rappelle encore la prise de la ville, le sang, les cris, l'euphorie. Puis était finalement, fatalement, venu le moment de déchanter. Nous nous étions plongés dans la crasse à cette période. Nous nous étions plongés dans nos instincts les plus sauvages, abandonnés nos costumes humains, et revêtis nos instincts les plus animaux.

"Si. C'est étrange. Mais... ça a bien changé. Je dois avouer que je ne suis pas rassuré. Mais... On a pas vraiment le choix."

Des couleurs explosent ici et là, mais nous restons immaculés.

"Tu sais que mon père était un couturier de renom en Saphir ? ... Allons nous moquer de ces idiots. En plus, vu les circonstances, il risque d'y en avoir au large."

Les gens, quand ils sentent l'urgence, la guerre, le conflit, généralement, ils prennent des décisions à la va vite. Et il ne faisait aucun doute que les futurs époux-ses seraient nombreux.

Spoiler:

Absolument pas sont les premiers mots qui sont sortis de sa bouche lorsque sa mère a abordé le sujet. Hyacinthe l’a à peine laissée finir, au grand déplaisir d’Aliénor qui pensait avoir mieux élevé sa fille. Elles étaient seules, pour une fois – un vrai miracle que ce pot de colle de Simon ne lui respire pas dans le cou – et c’est bien pour cette raison que Hyacinthe avait délaissé la façade presque polie qu’elle maintient d’ordinaire pour ne pas causer plus de problèmes. Et, songeait-elle, ne pas participer à la fête tenue à Opale ne risquerait pas de causer de problèmes, si ? Il est, après tout, bien plus facile de la surveiller au cœur du domaine que dans une foule – à tous les coups, Simon projetait de se menotter à elle et franchement, non merci.

Et puis Honoré s’en est mêlé.e, et sans qu’elle ne comprenne exactement comment, la voilà aux côtés des Cinabre, accompagnée d’Aliénor et Honoré, à contempler les festivités d’un dégoût à peine voilé. Lorsque les couleurs de ses vêtements et de ses cheveux s’affadissent pour laisser place au blanc, elle souffle impatiemment du nez, forçant un sourire sur son visage face à l’enthousiasme de l’adolescent.e. Sans un mot, Hyacinthe attrape d’un geste sec le billet de tombola que son geôlier lui tend – et avant qu’il s’éloigne trop, l’interpelle pour lui en acheter un second, pour Honoré.

« Quel couple ravissant ! Puisse votre union être bénie par Mai. » Elle ne sait pas qui elle a le plus envie d’assassiner du regard : la jeune femme et son erreur monumentale, ou l’autre moitié de ce fameux ravissant couple. Pourquoi pas les deux ? « Y a-t-il une attraction qui vous intéresse davantage, ma dame ? » Point le temps de répliquer que la main d’Honoré se tend vers l’un des kiosques, où deux jeunes gens aux vêtements éclaboussés de couleur s’affairent à un quelconque jeu d’adresse (et à entendre leurs spectateurs, ils y sont admirablement doués). « On pourrait commencer par celui-là ? » Et Hyacinthe de se mettre en mouvement, comme sous les ordres de sa.on commandant.e. « Nous ferez-vous la grâce de votre présence, monsieur ? » La phrase, lancée par-dessus son épaule d’un ton pointu, souligne avec peu de subtilité le fait qu’ils sont, par le plus grand des malheurs, coincés ensemble.

Spoiler:

Il n’a même pas envie de répondre à Hyacinthe, alors qu’il est bien celui qui lui a parlé le premier ― son ton en révèle bien assez sur ses sentiments à son égard. Sentiments réciproques qu’il se fait toutefois le travail de garder sous clé, autant en public que devant Honoré. L’affection de son amie d’enfance pour sa.on benjamin.e impose un certain respect… et chasse les chamailleries mesquines, du moins celles les plus évidentes. L’animosité exprimée en silences lourds de sens et en piques acérées, destinées à agacer ses nerfs et à tirer de lui quelque réaction déplorable. Tout pour avoir le dessus. Ainsi, lorsque l’Honoré en question attire leur attention vers un jeu d’adresse, il lui fait grand plaisir de répondre : « Si cela peut vous faire plaisir » à la noble, emboîtant le pas des deux Nacarat.
Le jeu se joue à deux.

Au stand de jeux d’adresses, Honoré jette son dévolu sur le lancer d’anneaux et l’homme se met un peu en retrait des deux adelphes, afin de ne pas trop obscurcir ce moment familial. Disons qu’il se sent un peu de trop et qu’il préfère encore observer les alentours, à la recherche de quelques connaissances définitivement plus agréables que Hyacinthe. Il glisse un regard vers le balcon où les membres de la Trinité doivent paraître, sans s’inquiéter de leur absence ― il n’est pas vraiment au fait du programme. Puis… les régnants ont bien droit à un retard de coquetterie : c’est l’avantage de régner.

Les portes du palais protectoral s’ouvrent soudain et son attention se déportent sur l’acte magique qui annonce l’arrivée prochaine des révolutionnaires. Comme quoi, il suffisait d’y penser. Au même instant, lui semble-t-il, un tourbillon coloré semble clignoter devant ses yeux. Le rouge de ses habits, celui rouge cinabre qui s’étire en broderies discrètes et travaillées contre le blanc immaculée du tissu, réapparaît soudain, puis disparaît aussitôt, avalé par l’ombre qui rampe sur l’habit. Simon fixe sa manche, presque sans comprendre, et le jeu de la brise légère fait tomber devant ses yeux quelques boucles qui ont repris leur noir originel. « Honoré… que diriez-vous d’un adversaire ? », propose-t-il à l’adolescent.e, pas tant dans un souci de véritablement se lier avec celle.ui-ci que de vérifier si les fioles gagnantes pourront transformer le noir en autre chose. En n’importe quoi.

Spoiler:

Ah Opale, la belle Opale, on ne la quitte pas, non, jamais. C'est des inepties que j'avais entendu bien des années auparavant, alors tout jeune étudiant en son sein, apprenant à dompter une magie jusqu'alors inconnue. Aujourd'hui elle faisait partie intégrante de moi. Aujourd'hui elle faisait partie de mon quotidien. J'en usais, c'était devenu une seconde nature. Je savais priver les quidams de la vue, de l'ouïe... Mais je savais aussi générer des illusions. Jouer avec l'esprit des gens. Mais aujourd'hui nulle question de magie, du moins de mon côté.
Je regarde les couples défiler, accompagné de mon ami.

"Regarde son corset... Il est de très mauvaise facture... Il doit être douloureux, c'est un amateur qui l'a fait. Puis le tissu de son jupon... Il est de très mauvaise qualité, au moindre geste de trop, elle se retrouve en dessous devant le monde entier. Des broderies maladroites... Mon père s'en retournerait dans sa tombe."

J'étais là, plein de ce mépris, de ce dédain de pauvre type que j'avais souvent face au monde. Traite le comme lui te traite... C'était ce que ma mère avait clamé souvent.... Et c'était un précepte que j'utilisais souvent. J'avais murmuré tous ces commentaires à l'oreille de mon compagnon. Cette robe... C'était en tout point un mauvais investissement. Généralement c'était des tissus couteux qu'on léguait aux générations suivantes, mais je doutais que celle ci résiste à la soirée. Les corps engoncés sous les kilos de tissus... Je secouais la tête.

"Les coupes et les styles vestimentaires en Nacre sont... Fades. Ne le prend pas mal... "cousin"."

En Aiguemarine, on aimait les vêtements amples, colorés dans les teintes bleu-vert, piqués de perles et de bijoux. Fantaisie, poudre aux yeux... Illusion... D'un coup, les portes du palais s'ouvrent, et mon corps se tend. Je pose la main sur l'avant bras de mon compagnon d'aventure, afin de ne pas le perdre si la situation nécessitait une fuite. Mon regard froid s'était glissé sur les endroits, par où sortir si cela était nécessaire ? Pour l'instant il fallait faire mine de rien. D'un coup, les couleurs flamboyantes, brûlant presque la rétine, en réalité les robes et costumes des époux étaient un peu moins dégueulasses en blanc, puis la disparition totale. Mon expression reste de marbre. Mais je dois avouer que les manières de notre très chère trinité et ce règne de terreur est tout sauf rassurant pour la suite... Impossible de savoir si la mort nous attendait au bout du chemin.

Spoiler:

S’il n’y a qu’une seule chose à-propos de laquelle Simon et Hyacinthe s’entendent, c’est bien qu’ils ne s’entendent pas. Ni l’un ni l’autre n’aime le petit jeu auquel ils s’efforcent de se plier en public – Hyacinthe parce qu’elle ne tient pas à faire souffrir sa mère et Honoré plus que nécessaire – et ils se le font bien comprendre. Malheureusement, l’un et l’autre doivent se cantonner à leurs rôles et c’est avec un calme particulièrement énervant que Simon se joint à elleux pour les jeux d’adresse.

Son regard s’attarde sur la longue filée de couples qui vont se faire marier, et se teinte de dédain et d’envie. Christophe lui manque étrangement; peut-être envie-t-elle son insouciance de l’époque, alors que la révolution n’était qu’un groupe sans réel pouvoir. Elle voudrait pouvoir profiter des festivités mais les seuls sentiments qui se pressent à son cœur sont la méfiance et l’agacement – comment tous ces gens peuvent-ils célébrer ? La blessure est trop vive.

La démonstration magique, que ce soit l’ouverture des portes ou le retour, puis le retrait des couleurs, ne l’impressionne pas particulièrement. Elle l’inquiète, tout au plus. Et si Simon ne paraît pas particulièrement dérangé, elle ne sait pas ce qui se trame dans l’esprit de son ancien ami. « Honoré… que diriez-vous d’un adversaire ? » L’adolescent.e, l’image même de la sympathie et de la bienveillance (à croire qu’iels ne sont pas de la même famille), accepte avec un plaisir non feint. La Nacarat zone autour de son adelphe et de Simon pendant quelques minutes, puis laisse son regard vaguer sur l’assistance. Elle y aperçoit de nouveau le petit vendeur de billets de tombola, qui semble lire dans son esprit : il se dirige vers elle en lui tendant de nouveau des billets, qu’elle achète sans rechigner. Elle espère gagner quelque chose pour Honoré, et peut-être pour elle, aussi.

À son retour vers les deux joueur.euse.s, elle attend la fin de leur partie pour faire cadeau de deux des billets au sieur du Cinabre. Un semblant d’offre de paix, alors que l’absence des représentants de la Trinité (et de celles de couleurs) l’inquiète plus que de raison. Elle espère que, s’il advenait un malheur, Simon ne décidera pas soudainement de les trahir pour la punir.

Spoiler:

Au moins, il n’est pas le seul à faire des efforts, aujourd’hui, et Honoré accepte sa suggestion avec enthousiasme. Bon, il ne lui a pas promis un grand adversaire, ni une compétition féroce à réécrire les légendes de la Nacre, mais c’est un grand détail. Surtout que, alors qu’il prend les anneaux tendus par le tenant du stand et se mesure à celleui qu’il s’est érigé en rival.e du moment, il se découvre en vérité pas si mauvais. Et bon… il n’y a définitivement pas de quoi s’enorgueillir de battre un.e adolescent.e à un jeu de kermesse, ni de quoi en faire une grande compétition, mais tout de même un peu, quand même ! Comme quoi, tout rat de bibliothèque soit-il, toujours penché au-dessus de ses travaux, il a malgré tout un peu d'œil ! Un peu d’adresse dans le bras !

Le jeu se resserre, le temps de quelques anneaux, mais Simon est finalement déclaré vainqueur. La distraction a aussi eu le bon d’éloigner quelques instants son esprit des ratés magiques, ou même de la possibilité que ce soit un raté et pas tout entièrement planifié. « À vous l’honneur », offre-t-il à Honoré, bon joueur dans la victoire (évidemment), lui tendant la fiole remportée afin qu’iel la casse et en révèle la couleur. Un éclat mauve luit brièvement devant leurs yeux, avant de disparaître tout aussi rapidement, se dissipant en ton de gris qui vient tacher leurs vêtements. La déception sur le visage de son adversaire est évidente. Le Cinabre tente de dissiper la chose d’un « Ça doit être une surprise supplémentaire » léger, qui sonne peut-être un peu faux, mais qui n’autorise pas de doute sur les agissements de la Trinité.
Disons que s’il a des doutes (légitimes), il est préférable qu’il les exprime en privé (ou en fait, pas du tout). Qu’importe son avis sur la question, c’est celui de sa famille qui importe, et leur camp est choisi depuis longtemps.

Le duo retourne auprès de l’escorte venue de Nacarat et c’est avec surprise que Simon se voit tendre, par Hyacinthe, deux billets supplémentaires. C’est… inattendu, mais apprécié. Il doit revenir sur sa propre pensée à propos des efforts effectués par la noble. « Merci », adresse-t-il alors avec un sourire, rangeant les deux nouveaux billets avec le sien, en prévision des résultats de la tombola. Juste à temps, semble-t-il, alors que les premiers numéros sont annoncés par l’énergique garçonnet en charge de la vente. Le sourire sincère s’étire un peu plus lorsqu’il collecte ses prix, si ce n’est la cape aux couleurs de la Trinité qui le fait… euh, qui le fait un peu tressaillir, et nettement préférer confier le tout au garde qui sera chargé d’aller ranger tous les objets, en attente de leur retour à Nacarat. Il ne va définitivement pas se promener avec ça.

Spoiler:

Armel, aux côtés de son meilleur ami du moment – et future prise de sa sœur, ne l’oublions pas – se marre et pointe du doigt ici une jeune femme, là un vieil homme entouré de trois magnifiques prêtre.sses qui font de leur mieux pour le guider vers la cérémonie malgré la robe qu’il porte et sur laquelle il trébuche. Se moquer des autres, le mercenaire sait faire : dans la verve invective qu’il met à décrire les tenues des jeunes personnes, dans le costume qu’il leur taille, il y a la violence d’une bête féroce déchiquetant ses proies. Armel a besoin de sang et d’action. Il trouve son content et se repaît du chaos comme il le peut ; la méchanceté n’est pas un nectar sain, mais il s’en abreuve tout de même.

Lorsque tombent les couleurs – alors qu’Armel refile rapidement un second billet à Eva, une seule chose en vient à le scandaliser. Agrippant avec violence le bras de son ami, les yeux écarquillés, il bafouille et pointe du doigt sa tenue. « Éva ! Éva ! Je ne suis plus flamboyant ! » Enfant dont on a retiré le jouet favori, il tire alors son ami loin de leur parade d’imbéciles – pour l’heure pourtant plutôt satisfaisante et drôle – pour se précipiter sur le premier jeu qu’il trouve. La pêche aux canards. Il lance presque les pièces au forain, attrape la canne et se bat avec les petites bestioles faites de pierre et de plumes pour en attraper trois, gagner une fiole et la péter en une trentaine de secondes.

La couleur qui s’en échappe est grise et se fond dans la masse de sa tenue. Tremblant, Armel réessaye, prêtant à peine attention à son ami : seul compte, actuellement, l’état de sa tenue. Le regard que les autres n’ont pas sur lui. C’est une drogue, une douleur ancienne et profonde que celle de ne plus être le coeur de l’attention.
La seconde fiole ne résout rien, et Armel est sur le point de payer encore quand la tombola s’annonce à grands coups de gamin qui gueule. (Il voudrait bien l’étrangler. )

Et en plus, il gagne un oreiller.
Super.
Armel laisse échapper un soupir en regagnant Evariste, son oreiller sous le bras. « Quelle arnaque. Tu as eu quoi, toi ? » demande-t-il, tournant le dos et au balcon et à la foule. Il n’en a rien à faire d’eux, ce sont eux qui devraient le regarder !

Spoiler:

Nous n'allions pas nous mentir, le fait que, Armel et moi étions de vraies hyènes n'était un secret pour personne. Se moquer du reste du monde était un sport fort appréciable et permettais, dieux merci, de ne pas se pencher un peu trop sur nos propres problèmes qui étaient, n'allons pas nous mentir, assez nombreux, actuellement. Mal aimés du nouveau protectorat, petit point noir de la trinité alors même que, quelques temps en arrière nous les soutenions, nous voilà désormais à demi-fugitifs. Oh... Autant appeler un chat un chat, nous avions le cul sur le pont d'Onyx.

Je sens la main de mon ami m'agripper et me tirer loin, me laissant tracter jusqu'à un stand de pêche au canard. Ah... Le petit Armel est mignon, armé de sa petite canne à pêche et je fourre le deuxième billet dans ma poche non sans l'avoir remercié chaudement.

"Hey... Du calme, les canards t'ont rien fait, promis, ils n'ont pas insultés ta soeur."

Puis vient la panique dans les yeux de mon ami... Je lui attrape doucement les épaules. C'est ma voix, rauque et douce, qui essaye de l'ancrer dans le présent à l'aide d'un murmure.

"Chut... Chut, hey... Armel ! Moi je te vois d'accord ? J'te vois. T'as pas besoin de couleur pour être flamboyant, et tu le sais."

Nous sommes finalement coupés par le gamin brailleur et désormais plein aux as, et je finis avec un livre de conte un peu particulier et... Une jolie bouillotte. Bon... Etant donné le nombre de mains qu'elle venait de toucher, il était sûr qu'elle serait lavée avec soin avant d'être utilisée... Pour le livre... hélas je ne pourrais rien y faire. Je montrais mes acquisitions à Armel.

"J'ai un livre pour te raconter de jolis histoires avant que tu ne t'endormes ! Histoire que tu fasses de beaux rêves avec ton super coussin."

Un rire m'échappe, et j'entraîne Armel vers un autre stand, le chamboule tout, sortant une pièce de ma bourse, et remettant une balle dans la paume de mon ami.

"Tiens, là tu vas pouvoir y aller comme une brute, vas y, déchaîne toi, j'veux plus rien debout !"
 

Spoiler:

Occupé à détailler ses lots, l’avocat n’a rien remarqué des silhouettes qui peu à peu se dessinent au balcon du palais. La voix amplifiée de la Protectrice Hautetour le force à ramener visage et attention à l’instant présent, loin des considérations vestimentaires qui l’accablent encore. La femme a un charisme troublant, même si éloignée d’eux, et il est impossible de ne pas porter l’oreille aux mots qu’elle clame avec tant de calme et de certitude. Le sourire qu’elle offre à la foule semble si sincère, si prenant, que Simon lui-même y croit. Pendant quelques secondes, il croit volontiers à cette nation belle et jeune qui prend son envol sous le regard bienveillant du Protectorat. Il croit à ce qui est permis au peuple de la Nacre et de tout Carat, certainement, comme les autres membres de sa famille y croient depuis des années.
L’illusion ne peut pas être éternelle, n’est-ce pas ?

Le silence des citoyens, alors qu’ils devaient sans doute applaudir les dires de Dorothée Hautetour, est lourd. Les gens attendent l’autorisation de se réjouir, de faire la fête, le signe que la Protectrice leur libre à nouveau libre cours à leur liesse. Pourtant, le Cinabre sent un changement dans l’atmosphère, autant que dans la voix de la femme. Est-ce son habitude d’entendre les plaidoyers, lorsqu’il doit rendre justice ? Le fait que lui-même a appris à moduler sa voix, son ton, afin de convaincre, de porter ses idées ? Impossible de mettre le doigt sur ce qui le fait soudain redouter le discours de la Prisme. « Honoré, madame de Nacarat, je crois que nous devrions partir », qu’il s’entend dire, mais ça ne sert à rien. C’est trop tard, alors que la Hautetour annonce que les troupes de la Trinité marchent sur Aiguemarine.

Le silence se transforme en liesse, alors que la foule est emportée par les vivas de ceux qui supportent le Protectorat. Les appels à la libération se multiplient, parfois avec gêne, d’autres fois avec sincérité, et le Cinabre aimerait s’enterrer alors que les gardes qui les accompagnent manifestent une grande joie à la nouvelle. Il rougit et pâlit à la fois, son teint brun prenant une teinte grisâtre en même temps que ses joues deviennent d’un rouge soutenu. Et que cette fois-ci, il n’ose pas regarder Hyacinthe, ni Honoré.

Spoiler: