prisoner (simon)

Le silence s’étend sur le domaine à mesure que la nuit en prend possession. Hyacinthe tend l’oreille, tente de se figurer la valse de la poignée de soldats de la Trinité dans leurs rondes nocturnes. Si elle a l’avantage du terrain, celui de connaître tous les coins et recoins de la vaste demeure, il ne suffirait que d’un pas de travers pour tout faire capoter. Bien qu’elle ne soit pas étrangère aux balades nocturnes – après tout, il fallait perfectionner le trajet depuis sa chambre – elle ne peut pas prendre le risque de se faire coincer avec un bagage. Et, bien entendu, avec Simon qui lui colle perpétuellement aux basques, impossible d’en cacher un en plein jour.

Non. Ce soir, il faudra que tout soit parfait.

Les effets les plus importants dissimulés dans un sac de fortune, quelques items à vendre, des vêtements de voyage. Le parfait kit de départ de l’aventurière, qui n’a en vérité jamais vraiment eu à prendre soin d’elle-même. Et tandis qu’elle tente tant bien que mal de se préparer à un voyage qui ne risque pas d’être simple, ses pensées se tournent vers Honoré. Honoré, qu’elle n’osait pas abandonner de peur qu’il lui arrive quelque chose, de peur que la présence de leur mère ne soit pas suffisante pour assurer leur sécurité. Une crainte certainement mal placée – mais il lui est difficile de laisser derrière le.a plus jeune de la famille, déjà bien ébranlé.e par le décès de leur père et le départ d’Halcyone et Hélier (sans parler de la trahison d’Hermine).
Elle regrette de ne pouvoir rien dire, de ne pas prévenir de son départ. Mais il vaut mieux ne pas l’impliquer, pour sa propre sécurité – oh, comme elle aimerait pouvoir l’emmener avec elle ! Hyacinthe a longuement médité la question, pour en conclure qu’elle ne pourrait pas non plus garantir la sécurité de l’adolescent.e sur les routes. C’est plus sage ainsi.

Fin prête, elle se faufile hors de la chambre et dans les couloirs à l’éclairage tamisé. Ses pas sont étouffés sur le plancher frais, une paire de chaussures solides, pour le voyage, dans l’une de ses mains. Elle s’arrête brièvement devant la chambre d’Honoré, sans oser en ouvrir la porte, inquiète qu’iel se réveille et retarde son départ.
Sa route est étrangement sans entraves, alors qu’elle traverse le domaine silencieux. Ombre parmi les ombres, songe-t-elle, s’il avait été possible de se procurer des vêtements sombres sans attirer les suspicions. Et des vêtements plus adaptés à un séjour prolongé sur les routes, tant qu’on y est. Mais il faut croire que la Nacre n’est pas un endroit propice pour les otages souhaitant s’évader en pleine nuit. Qui l’eût cru !

Mais, forte de ses préparatifs et de toutes ses années de vie dans l’imposante demeure, elle parvient à la traverser sans se faire voir, sans se faire suivre. Devant elle, de l’autre côté du vaste hall d’entrée, le couloir qui mène aux cuisines. Et, de là, une porte bien moins voyante, bien moins bruyante que celle principale. Et surtout, moins surveillée.

Elle y est presque.

N’en déplaise à Hyacinthe, elle et les soldats ne sont pas les seuls encore éveillés à cette heure tardive. À vrai dire, Simon préférerait même nettement faire partie des endormi·e·s du domaine, mais certaines nécessités demandent toute son attention et son temps d’éveil.

L’avocat a réussi à faire transférer ses dossiers à Nacarat, après nombre d’échanges avec son cabinet ― ceux qui ont encore cours, bien sûr, et ne sont pas tout simplement tombés à l’eau avec le coup d’État. Son travail devenu inutile, la paie inexistante pour des heures à bûcher envolées en fumée. Il irait bien plaider qu’il n’y a rien de plus frustrant, a même probablement dit ces exacts mots à son oncle au moment d’un repas, mais le regard furieux de Hyacinthe lui a bien rappelé qu’il existe au moins cent fois plus frustrant que ses soucis professionnels.
Être coincé ici, par exemple, et qu’elle se rassure, ce n’est pas plus agréable pour lui de devoir la surveiller avec le zèle d’une demoiselle de compagnie particulièrement collante.
(c’est entièrement de la mauvaise foi)

Ainsi, il est penché bien tard sur ses travaux, cette nuit, afin de rattraper le retard et le temps perdu à tenter de démêler les affaires des uns et des autres. Il a également pris sur lui quelques dossiers supplémentaires, alors qu’un des associés du cabinet a disparu sans prévenir, et se familiariser avec les écrits de son ancien collègue est une tâche en soi. Surtout avec une plume si illisible… Le noble soupire longuement et frotte ses yeux, éprouvés par les longues heures de lecture autant au soleil printanier qu’à la chandelle, et décide d’aller aux cuisines quêter une collation. Se promener un peu saura aussi très certainement lui changer les idées, chasser la sensation de fourmillement dans ses jambes et apporter la lumière sur les points plus obscurs du dossier qu’il potasse depuis la veille. Puis… les domestiques ont l’habitude des fringales nocturnes de l’avocat et il n’est pas rare qu’un plateau soit déjà préparé à l’intention de la souris du Cinabre.

La demeure est silencieuse et les pantoufles de Simon frottent à peine contre le carrelage travaillé, sur le chemin entre sa chambre et les cuisines. Il croise un soldat tout juste salué d’un signe de tête, non sans malaise alors qu’il ne se fait toujours pas à leur présence. Ni même à la sienne, vraiment, dans le domaine qu’il a tant visité enfant. Où il se sentait bien. La nostalgie de l’enfance teintée d’amertume, jusqu’à ce que le moindre souvenir soit vicié.

Le hall d’entrée marque presque la fin de son trajet et il s’arrête soudain dans sa marche, machinale, lorsque dans la pénombre se révèle une silhouette. Apparition fantômatique qui le saisit avant qu’il reconnaisse Hyacinthe. « Vous planifiez également une excursion aux cuisines, madame ? » Une tentative un peu pauvre d’humour, considérant l’état actuel de sa relation avec la jeune femme, mais on ne pourra pas dire que lui ne fait pas d’efforts, bien merci. Puis… il remarque le sac ; les chaussures dans ses mains ; la posture nerveuse de la noble ; et le déclic se fait, peut-être quelques secondes trop tard.

Toute son attention, à présent, est tournée vers son but. Elle se convainc que c’est la bonne chose à faire. Qu’ensemble, Halcyone, Hélier et elle sauront délivrer, sinon Nacre, au moins Nacarat. Au moins Honoré. Les quelques mètres qui la séparent encore de la cuisine semblent s’étirer. Ses pieds nus ne font aucun bruit sur le carrelage, l’un devant l’autre, rapides mais pas empressés – le silence est primordial. Fantôme entre les murs du domaine, elle s’apprête à disparaître. La pensée est grisante, effrayante. Poétique.

Et complètement inutile.

Elle n’entend pas Simon approcher, le bruit de ses pas étouffé par les luxueux chaussons qu’il a aux pieds. Il arrive par le couloir en face – ils tombent presque nez à nez. Hyacinthe fige, hésite à cacher son maigre bagage derrière son dos. Ça ne servirait à rien, alors elle laisse tomber. « Vous planifiez également une excursion aux cuisines, madame ? » La voix qui perce le silence lui semble assourdissante. Elle voudrait éclater en un chut furieux, lui dire de se taire. Elle voudrait le fusiller du regard, l’abrutir de noms d’oiseaux jusqu’à ce qu’il en oublie le sien. Elle ne sait pas par quel miracle elle se retient de le faire. « De toute évidence, répond-elle d’un air sérieux. » Il ne la croira jamais.

Le silence s’étire et Hyacinthe passe rapidement sur ses options. La première : fuir. Courir, prendre ses jambes à son cou, traverser la cuisine et se précipiter au-dehors. Son corps se tend, comme si juste à y penser, elle s’y préparait. Mais l’idée en est une stupide. Simon la rattraperait sûrement. Il est bien plus grand, et elle n’est pas prête à parier que c’est elle, la plus agile des deux. La deuxième option : mentir. Prétendre que… que quoi ? Son esprit patine, ses idées lui échappent, tout comme le temps. Le coucou lugubre d’une horloge marque l’heure et achève de faire dérailler ses plans : si personne ne les a entendus parler, alors ils les verront sûrement. Les rondes, elles, n’ont pas cessé lorsque Simon et Hyacinthe se sont immobilisés dans le hall.
Il faut qu’elle dise quelque chose.

« La nuit est claire, commence-t-elle à mi-voix. Encore cette peur d’être surprise. Je voulais aller voir les étoiles… comme avant. » Les deux derniers mots sont étonnamment difficiles – elle les croasse plus qu’elle ne les dit, bien plus embarrassée par ce souvenir que ce qu’elle pensait. Comme avant, lorsqu’ils étaient amis, lorsqu’ils se faufilaient hors du domaine avec un pique-nique de fortune (souvent constitué de pain un peu trop sec, de fruits et d’eau) pour aller manger sous les étoiles. Le mensonge est pauvre, le coup particulièrement bas.
La fuyarde espère que Simon soit trop déstabilisé pour réfléchir, que les nuages qui recouvrent la lune se soient dissipés s’il décidait de confirmer la véracité de ses dires.

Elle croit presque avoir réussi, alors que l’hésitation efface un instant le doute sur les traits du Cinabre. Presque.

Si elle avait été moins en colère, depuis toutes ces semaines, aurait-il cédé ? Hyacinthe se demande si elle n’aurait pas plutôt dû se plier aux demandes de sa mère, se faire gracieuse et compréhensive pour mieux le tromper. Peut-être. Elle inspire longuement, se force à laisser aller la tension de ses épaules. Son regard noir examine son ancien ami. Celui qui a dorénavant le rôle de geôlier. « Comptez-vous me dénoncer, monsieur ? » Ce qui devait brûler de sarcasme manque définitivement de bravado, et Hyacinthe déglutit difficilement, entre l'envie de fuir et de résister.

Le sérieux un peu ironique de la réponse de la jeune femme ne le touche pas. À vrai dire, il est un peu saisi des déductions qu’il tire, en ce moment, et dont il voudrait lui demander de lui assurer qu’elles sont fausses. Il n’ose pas ni parler, ni bouger, comme si le moindre mouvement de sa part allait déclencher… déclencher quoi ? Ses yeux font une nouvelle fois le chemin entre le visage de Hyacinthe, son sac et ses chaussures, et Simon ne prend pas garde à son propre corps qui se tend, en réponse à la posture crispée de la noble. Anticipation inconsciente à une course qui n’advient pas, au son de l’horloge qui sonne l’heure tardive.

« La nuit est claire. Je voulais aller voir les étoiles… comme avant. » Un coup au ventre ne serait pas plus efficace pour mettre l’avocat à terre. Un avant qui ne concerne pas la Nacre en guerre, ni cette captivité sournoise. Un avant qui ne concerne qu’eux, Simon et Hyacinthe. Il ne s’est jamais attardé à l’éloignement de leur relation, le jugeant somme toute banal. Fruit de leurs vies respectives, de chemins menant vers des objectifs différents, puis de familles qui ont préféré couper les ponts alors que les graines de la rébellion commençaient à germer. Leur histoire est affligeante de normalité et en d’autres circonstances, il serait aisé de tenter de raccommoder cette amitié d’enfants. Les circonstances ne sont néanmoins ni simples, ni agréables, surtout pas idéales, et la moindre interaction entre les deux nobles est teintée par celles-ci. Y compris cette conversation où, bien qu’il veuille croire Hyacinthe, croire cet aveu difficile qui a passé ses lèvres, il ne peut pas s’empêcher de rester sur ses gardes.

Cette résistance, la Nacarat la sent ― le Cinabre a toujours eu contre lui une physionomie expressive, au moins autant que son ancienne amie est perceptive. Il n’a rien pour appuyer sa méfiance, ou balayer ce doute qui refuse de se taire tout à fait. Sans doute parce qu’il n’a rien qui soutienne une quelconque bonne foi de la part de Hyacinthe, qui est exécrable (c’est peu dire) avec lui depuis que ses quartiers ont été transférés sur le domaine. La brune teste l’eau avec ce qu’il perçoit être de l’hésitation, sans pouvoir juger si c’est bien cela : « Comptez-vous me dénoncer, monsieur ? Si c’est uniquement pour une balade sous les étoiles… non. Bien sûr que non. »

Bien sûr que Simon veut lui accorder le bénéfice du doute.

Sa propre voix manque d’assurance et il doit se râcler un peu la gorge avant de continuer, afin d’éclaircir le ton un peu enroué par les heures de silence et la fatigue : « Vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je vous accompagne, madame. Il y a longtemps que j’ai moi-même pris le temps de regarder le firmament. » Elle y verra très certainement plusieurs inconvénients. Il n’a toutefois pas le choix, qu’importe que ses intentions soient vertueuses, poussées par la nostalgie d’un temps plus simple, d’une insouciance qui lui manque aussi bien souvent. Sa tâche, à Nacarat, est de surveiller les membres encore vivants de la famille et leur domesticité, et d’assurer leur docilité devant la Trinité : ça inclut une balade nocturne impromptue avec son amie d’enfance, dans une atmosphère à couper au couteau. Il n’a pas le choix et elle non plus.

Comme si elle n’avait pas déjà assez de raisons de lui en vouloir, le voilà sur son chemin, par hasard, cette nuit entre toutes les autres. Un cruel coup du sort, qui ne fait qu’aviver la rancune que la jeune femme porte à son ancien ami. Ce n’est pourtant pas le sentiment dont il la gratifie, alors qu’il se bute perpétuellement à une mauvaise foi hostile. Malgré tout, sa tentative (ratée) de manipulation lui laisse un goût amer en bouche. Presque autant que de devoir se résigner – elle ne réussira pas à s’échapper de Nacarat. Pas ce soir, ni un autre, probablement. Simon n’est pas stupide.

Et il est prudent.

« Bien sûr. » Le pauvre sourire qu’elle lui offre s’apparente plutôt à une grimace. Elle se remet en mouvement avec lenteur, pour ne pas lui donner la mauvaise impression. Elle ne fuira pas, pas maintenant qu’il l’a surprise. Ce serait trop facile de sonner l’alerte et alors, elle n’aurait aucune chance de rejoindre les autres. Hyacinthe prend les devants sans demander, certaine qu’il préfère de toute façon la garder dans son champ de vision. Qui sait quels plans machiavéliques pourraient germer dans son esprit ? Elle se demande s’il la croit capable de l’assommer avec un chandelier (ou un vase, peut-être ?) pour se donner une longueur d’avance.

Dans les cuisines, elle ne s’empare que d’une pêche, un bien maigre réconfort contre la déconvenue de voir ses plans tomber à l’eau. Ça n’adoucit en rien les angles et les tranchants de cette balade maintenant obligatoire, qui ne réjouit ni l’un, ni l’autre. Elle n’aurait pas dû tenter cette médiocre excuse, mais il est trop tard, à présent. La dame enfile ses chaussures, bien trop solides pour une simple sortie nocturne. Peut-être pourrait-elle blâmer la fraîcheur d’avril, exacerbée par l’humidité ambiante ?
Son sac toujours tenu d’une main, elle passe la porte extérieure, suivie de près par Simon, qui ne manque pas de lever le nez vers le ciel… et les épais nuages qui couvrent les étoiles et la lune. « Quel dommage, commence-t-elle d’un ton qui laisse deviner que ça ne l’est pas du tout. Ça doit être le vent. » Un mensonge éhonté, et plutôt douteux alors que son chaperon doit sans aucun doute sentir sa nervosité, voir la tension de ses épaules, sa main refermée autour des lanières du sac de voyage comme si elle avait peur qu’on le lui retire.

Elle pourrait se saisir de l'occasion pour retourner à l'intérieur et laisser Simon l'escorter jusqu'à ses quartiers. Elle n'en fait rien.
En dehors des murs de l'imposante demeure, elle a une impression de liberté, aussi trompeuse soit-elle. L'air du soir caresse son visage, siffle entre les herbes hautes - il y a longtemps qu'on ne l'a pas autorisée à franchir l'enceinte de la maison après la tombée du jour, et il ne lui serait jamais venu à l'idée de trouver le Cinabre pour demander quoi que ce soit. Malgré elle, Hyacinthe retrace leurs pas d’enfants, le trajet mille fois emprunté à la nuit tombée et à l’insu de tous, sauf de quelque garde qui préférait les surveiller du coin de l’œil que les voir véritablement s’enfuir. Elle aurait voulu que tout reste simple, que les années et les obligations ne les séparent pas. Elle ne reconnaît pas l’homme qui se tient à ses côtés, l’avocat si raisonnable et si obéissant. Celui qui la toise comme on considère un animal sauvage. Peut-être est-ce juste, alors qu’elle-même le dévisage sans cacher ni son agacement, ni son dédain.

L’assentiment de Hyacinthe semble douloureux, comme si elle venait d’avaler un porc-épic en entier et qu’elle devait parler avec ses épines en travers de la gorge. Elle accepte, néanmoins, sans se défiler, sans chercher à fuir une compagnie indésirable, et il n’a qu’une expression sérieuse à offrir en réponse à son sourire amer.

Comme anticipé, un plateau à son intention est déjà préparé, laissé sur un des comptoirs des cuisines : pain, fromage, quelques biscuits et une tasse, près du mélange de tisane qu’il préfère et d’une théière qu’il devine déjà remplie d’eau chaude, prête à être utilisée. Son choix se porte plutôt également sur une pêche, au velouté doux sous ses doigts. Ses yeux noirs ne laissent pas la silhouette fluette de sa compagne inattendue, alors qu’elle enfile des chaussures bien solides pour une simple balade d’agrément sur le terrain du domaine. L’observation est gardée pour lui, pour l’instant, et s’additionne à l’ensemble de ce qui cloche avec le prétexte qui lui a été offert.

Ses luxueuses pantoufles sont laissées à la porte des cuisines et c’est pieds nus qu’il s’engage à la suite de Hyacinthe. L’herbe humide fait aussitôt naître un frisson le long de son corps, pas assez protégé de la fraîcheur nocturne d’avril par le pyjama de lin dans lequel il n’espérait pas être vu, ni effectuer une balade au clair de rien du tout. La perspective d’une tisane au coin du feu lui semble d’autant plus tentante et il est très près de sommer la Nacarat de faire demi-tour, ceci afin de retrouver la quiétude et le confort de ses appartements. Il est toutefois incapable de céder à son propre désir, mû par un soupçon d’égo mal placé : hors de question de s’avouer vaincu avant Hyacinthe. Hors de question d’être le premier à céder, au cœur de cette évidente mascarade. Ainsi, quelques pas derrière la promeneuse nocturne, Simon serre les dents et espère qu’il n’attrapera pas de rhume à peine une quinzaine avant les festivités qui les conduiront à la capitale. On peut ainsi comprendre pourquoi l’expression claire de dédain de la Nacarat l’agace, comme si c’était lui le problème dans toute cette histoire. « Y a-t-il un problème ? La politesse ne cache pas l’impatience. Si ce n’est celui du ciel point en accord avec vos plans. » L’accent posé sur le dernier mot n’est pas anodin, alors que le doute entretenu par le Cinabre à propos des réelles intentions de la jeune femme s’est évaporé à la vue des nuages couvrant la voûte céleste. La dénonciation est ambiguë et laisse à interprétation. Un regard large autour d’eux et de sa main libre, il désigne le chemin qu’ils empruntent sans même avoir besoin de tout à fait voir où ils se dirigent, le pas rodé par le mécanisme de leurs souvenirs. « Près de quelle flaque de boue pensiez-vous installer votre couverture, madame ? » Dans lesdits souvenirs, sa voix était définitivement moins ironique.