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Estelle de Pastel
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Mer 21 Avr - 0:44
Une reine soupire rarement en vainCœur qui soupire n'a point ce qu'il désire
Participants : Déjanire des Cités-Joyaux et Estelle de Pastel
Date : 08/10/1199
Lieu : Castel de Tourmaline
Résumé (optionnel) : Déjanire et sa suite viennent de s'installer au castel de Tourmaline sous la bienveillante hospitalité d'Hector de Demain. Les événements sont encore frais dans leur mémoire, la panique de l'attaque du palais d'Opale ne s'est pas encore tout à fait apaisée. Estelle profite d'un moment en tête à tête avec Déjanire pour s'ouvrir un peu et faire le point sur la situation actuelle.
Code:
[b]Titre[/b] : Une reine soupire rarement en vain
[b]Participants[/b] : Déjanire des Cités-Joyaux / Estelle de Pastel
[b]Date[/b] : 08/10/1199
[b]Lieu[/b] : Castel de Tourmaline
[b]Résumé (optionnel) [/b] : Déjanire et sa suite viennent de s'installer au castel de Tourmaline sous la bienveillante hospitalité d'Hector de Demain. Les événements sont encore frais dans leur mémoire, la panique de l'attaque du palais d'Opale ne s'est pas encore tout à fait apaisée. Estelle profite d'un moment en tête à tête avec Déjanire pour s'ouvrir un peu et faire le point sur la situation actuelle.

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Une reine soupire rarement en vain Empty Re: Une reine soupire rarement en vain

Mer 21 Avr - 1:04
Elle entendait encore parfois dans les couloirs de castel de Tourmaline le bruit des pas qui se rapprochaient en courant et celui des voix des domestiques qui avaient perdu la vie en tentant de défendre le palais et sa souveraine. Alors elle fermait les yeux et s’efforçait de durcir son cœur. Tout était encore trop frais, mais elle avait fait son choix. Elle avait suivi l’impératrice dans sa fuite, dans la perte de sa demeure, d’une de ses princées. Elle croyait encore en l’Empire, encore à la vision que Déjanire avait partagé quelquefois avec ses dames de compagnie. Et la Trinité ne proposait rien de réjouissant pour une femme qui avait misé toute sa vie sur l’héritage de son titre et du domaine familial. Perdre Pastel au profit de ces bouseux qui n’avaient jamais rien accompli pour mériter pareille demeure? Hors de question. Elle n’ignorait pas les risques de prendre parti, espérait ne pas avoir à en payer le prix et ne pas avoir à se servir des portes de sorties qu’elle s’était préparée en laissant derrière Eleanor. Eleanor prise entre les frontières de Nacre, avec un père bien ancré dans la tradition. Eleanor à qui on chercherait bientôt un époux peut-être. Eleanor qui savait toujours comment cajoler sa sœur aînée et qui savait si bien se plier à ses désirs. Elle comptait sur sa sœur, la demoiselle de Pastel, elle espérait que le temps ne les éloignerait pas l’une de l’autre comme le faisait la distance. Et dans les échos d’un passé trop récent, d’un hier qui s’était répété dans sa tête pendant plusieurs jours, Estelle parcourait les couloirs paisibles du palais d’Hector de Demain, tâchant de ne pas regarder derrière elle nerveusement à chacun de ses pas. En se rassurant de la présence presque invisible des serviteurs qui vaquaient à leur tâche, comme ils se le devaient.

Sa route s’arrêta devant une lourde porte qu’elle ne poussa lorsqu’on l’invita à entrer. Dans les appartements de Déjanire, elle avança de quelques pas jusqu’à se retrouver en présence de sa reine et s’inclina dans une élégante courbette protocolaire.

- Votre Majesté, salua-t-elle humblement.

Elle attendit un geste gracieux de sa maîtresse avant de se relever et de s’approcher. Il commençait à se faire tard et l’impératrice avait déjà commencé sa toilette du soir. Une femme de chambre brossait ses cheveux qui tombaient en cascade autour d’elle, la drapant d’une couche de plus que ses vêtements, une élégante robe de nuit par-dessus laquelle elle avait enfilé une robe de chambre soyeuse. Comme cela était arrivé par le passé, Estelle prit de la main de la domestique la brosse et continua de dénouer les longues boucles de Déjanire en silence.

Elles restèrent ainsi quelques instants et ne furent troublée que par une soubrette qui déposa un plateau de thé et de collations avant de se retirer. Les deux jeunes femmes se retrouvèrent donc seules, aussi seules qu’il était possible de l’être quand une tête couronnée se trouve dans une pièce. C’était la première fois depuis leur arrivée à Tourmaline. Et Estelle goûtait sensiblement le privilège qui lui était accordé que d’avoir été appelée par sa reine. Seule. Elle posa la brosse argentée sur la table, dos décoré de pierreries sur la table et le poil fin vers le plafond. Ses mains blanches soulevèrent délicatement la théière bien chaude pour remplir les deux tasses mises à leur disposition. Elle versa un peu de lait dans celle de sa souveraine avant d’y ajouter deux petits carrés de sucre, comme elle les préférait, avant de lui tendre la tasse. Il ne restait que la sienne, dans laquelle elle déposa quelques feuilles de menthe, découverte culinaire qu’elle avait faite des années plus tôt quand elle était encore étudiante et qui lui avait fort plu.

- Vous êtes épuisée Votre Majesté, remarqua-t-elle en prenant place dans un petit fauteuil faisant face à la dirigeante de Carat.

C’était bien normal, il y avait tant à faire, tant à penser et aussi tant dont s’inquiéter. Pauvre, pauvre Déjanire. Tout comme elle, la révolution lui était tombée sur la tête comme par surprise. Le peuple était-il aussi insatisfait? Estelle ne se mêlait que peu de politique. Ses précepteurs l’avaient guidée et instruite, mais ce n’était pas son rôle au palais. Elle s’était contentée de tenir compagnie à Déjanire. Pourtant, qu’avait-il à redire sur la vision du monde de la jolie impératrice? Quel poids pesait ses vieux conseillers barbus et moustachus? Il était tant de questions auxquelles Estelle n’avait nulle réponse. Et elle se taisait, songeant que ce n’était pas sa place de remettre en question les décisions des conseillers de Déjanire, encore moins sa place de la conseiller elle. D’ailleurs, on ne le lui avait jamais demandé. Parce qu’elle n’était qu’une femme, somme toute, et que sa place était dans l’ombre des hommes.
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Jeu 22 Avr - 1:00

Une reine soupire rarement en vain


avec @Estelle de Pastel


©anyasrapunzel|skyfall|


Ce sentiment d’apesanteur. Ce sentiment de peur. La tête trop légère, le corps trop lourd, quand elle y pensait, Déjanire. Quand elle s’arrêtait pour y songer. Sa Princée déracinée de ses bras protecteurs. Son palais. Ses terres. Ses sujets. Détachés de son regard bienfaiteur. La violence de la révolte. L’agressivité de la révolte si proche, trop proche. Le fracas des armes. Les hurlements de peur, d’horreur. Les larmes d’effrois noyant les joues de ses suivantes. Le regard de Déidamie. Son regard effrayé, des yeux trop grands sur son visage de nacre. Le sentiment de terreur dans son coeur, quand les doigts de sa soeur ont dû lâcher les siens. Tant d’échos qui lui revenaient, dans les couloirs labyrinthiques du castel de Tourmaline. Tu es chez-toi ici, Déjanire. Topaze en terre d’accueil… Tu es chez-toi, au cœur de ton Empire. Des mots vrais. Des mots francs. Mais cette impression d’angoisse, elle, ne la quittait pas vraiment. Elle lui donnait l’impression qu’elle n’était pas chez-elle. Qu’elle ne trouverait plus jamais son chez-elle. De ne plus renouer avec ce sentiment de sécurité. Même en Onyx, où les affaires de Macsen l’attendaient, s’empoussiéraient. N’y pense pas. Pas maintenant. Parce que si elle y songeait, il lui semblait qu'elle se fissurerait.  

Ça ne peut s’éterniser. Des mots soufflés, tout juste audibles, sous le poids de son impuissance. Les conseils se succédaient, depuis son arrivée fracassante au coeur des terres du silence. Des rencontres. Des réunions. Des mises au point, du matin au soir, du soir au matin. Le bilan des effectifs des armées alliés sous le verbe et l’assurance implacable de Silas, si fort. Immuable. Sécuriser les frontières, une priorité, pour que cette Trinité cruelle ne gangrène pas plus encore les terres de Carat. Le compte rendu des pertes, comme une oraison funèbre. Trois de ses conseillers avaient survécu, dont un en mourance. Il ne passerait pas la nuit, qu’on lui avait dit, tandis que le soleil s’amenuisait en lueurs orangées à l’horizon. Son plus vieux conseiller. Celui qui avait connu son père. Celui en qui elle faisait le plus confiance. À tort, qu’elle se doutait. A raison qu’elle espérait. Ça ne peut s’éterniser. Une semaine, tout juste. Sept jours tout au plus. Il y avait trop à faire, trop à prévoir, et elle assistait, et elle participait, et elle s’inquiétait Déjanire, l’esprit alerte, sa volonté brisée devant la rigidité de la réalité. Elle désirait une percée. Tout de suite. Une percée pour gagner des parcelles de terre, qu’elle proposait à tous ces hommes attablés pour la soutenir et l’épauler. Répliquer tandis que la Trinité devait être déboussolée par sa réussite. Il est préférable de sécuriser les frontières, Votre Majesté, de préserver ce que nous avons. Ça ne peut s’éterniser. À la première sécheresse, la nourriture manquera. Nous avons besoin des terres de Nacre pour des réserves. Et Nacre a besoin de nous. Au-delà de la Trinité, au-delà de leur sauvagerie, il y avait des sujets retenus captifs, cachés, apeurés. De tout son coeur, elle espérait qu’ils ne perdent espoir. L’Impératrice ne les oubliait pas.

Elle avait veillé un trop bref moment son conseiller vieillissant. Le visage marqué, ridé, buriné. Sa main pâle dans la sienne, fripée. Sa main pâle pour l’apaiser, à travers ses frissons et sa fièvre. La plaie béante pansée trop tard. Dès leur arrivée, mais trop tard, pour un homme marqué par les ans.

- Votre loyauté ne sera pas oubliée. L’Empire vous doit beaucoup, Theonel. ...Je vous dois beaucoup.

Un moment trop court, pour tout ce qu’il avait pu représenter pour elle. Pour sa famille. Un moment trop bref, à murmurer ses souvenirs d’enfant où il apparaissait immanquablement. À ses onze ans, dans son ombre, alors qu’elle prononçait ce discours qu’il avait écrit pour elle. Les yeux humides et la voix fragile. Une poignée de souvenirs qu’il n’entendait plus, le vieil homme. Qu’ils ne seraient que bien peu à se souvenir, désormais, qu’elle se disait, le coeur lourd et le visage chagrin.

Ce sentiment de terreur, toujours, lorsqu’elle se retrouvait seule. Ce sentiment de vertige, lorsque les portes se refermaient en l'abandonnant à ses nouveaux quartiers. Déidamie avait veillé avec elle plusieurs soirs, déjà, repoussant les craintes de son aînée jusqu’à ce que le sommeil s’impose, mais ce soir, l’Impératrice lui permettait de se reposer loin d’elle. C’était Estelle qu’elle avait fait appeler à elle. Estelle qui avait étudié dans cette région. Estelle si fidèle. Toute aussi déracinée qu’elle, en enfant de la Princée de Nacre. Estelle de Pastel, héritière d’un comté tant convoité. Et elle la voyait entrer, si jolie, dans le reflet de son miroir, Déjanire. Une révérence gracieuse, comme toujours, qu’elle lui accordait. Comme avant. Un pincement à la poitrine, léger comme le bruissement d'aile d'un oiseau, devant le gouffre de tout ce qu’elle avait perdu en un battement de coeur. À ce qu’Estelle pouvait lui rappeler si simplement. Elle s'était détournée pour l'inviter à la rejoindre, d'un mouvement délicat de la main. Ses soieries glissaient, amples et colorées, sur ses bras diaphanes. Déjanire perdue. Déjanire qui ne se retrouvait plus.

La brosse dans ses cheveux, apaisante. Et tandis que la demoiselle de Pastel s'affairait avec une habitude que leur périple n'avait su dissiper, la jeune impératrice observait son reflet. Sa jeune soeur était restée là-bas, elle se doutait. Sa famille entière. Les gens de son comté. Son cœur devait battre aussi difficilement que le sien, ce soir. La volonté forte de remonter le temps, de changer ce qui aurait pu être évité. De retrouver le moment précis, inconnu mais pourtant existant, où la Trinité aurait pu être arrêtée. Mais l'impuissance, toujours. Souveraine mais impuissante. Souveraine soumise à la violence des rebelles. Ses yeux peinés, elle les baissait sur ses mains pâles et graciles. Qu'Estelle ne la croit pas faible. Qu'elle puisse s'appuyer sur son Impératrice protectrice. Fragile, mais assez solide pour supporter Carat entre ses bras.

Un silence brisé seulement par l'arrivée discrète d'une domestique au plateau chargé, l'odeur herbacée en étendard. Des gourmandises. Des plaisirs sucrés. Une théière ouvragée délicieusement fumante. Elle laissait le soin à la demoiselle de Pastel de servir le thé, parfumant délicatement l'intérieur de ses poignets en dernière coquetterie avant la nuit. Un parfum délicat et nouveau, mais le même rituel. Elle humait discrètement tout en se posant sur l'un des canapés rembourrés, les sourcils tout juste froncés. Il lui faudrait le remercier, ce prince à la gentillesse sans limite, à toutes ces petites attentions qui faisaient office de douceur dans ses tourments et son malheur.

- Vous êtes épuisée Votre Majesté.
- Vous avez les mots les plus tendres pour me complimenter, Estelle...

Son minois pâle et chagrin s’éclairait d’un sourire à l’amusement diffus. Ses yeux sombres cerclés de cernes violacées brillaient, tout à coup, d’une espièglerie encore fragile. Comme si les morts engendrés, les épreuves tout juste traversées et la peur farouche et entêtée l’empêchaient réellement de se laisser aller à un peu de légèreté. Si je ris, je pleure… Ses lèvres tremblantes trouvèrent refuge contre la tasse fumante. Un thé doux et sucré. Un nuage de lait pour en dissimuler l'amertume. ...À l'instar de ces douceurs, de ces petites attentions à son endroit, depuis une semaine, depuis sept jours déjà.

- Vous êtes confortable? ...Vous êtes bien traitée? Le prince Hector est d’une bienveillance bienvenue et d’une générosité sans pareil… Je n’aurais pu espérer meilleur hôte, dans les circonstances.

Chacune de ses demoiselles avait obtenu une chambre individuelle. Elle s’en était assurée, entre deux séances auprès des hautes instances de la Princée de Topaze. Que les siens soient bien, à leur aise. Que les siens oublient l’horreur et le sang. Que leur loyauté soit louangée. En espérant que cela suffise à les distraire de ceux qu’ils avaient laissés derrière eux…


Dernière édition par Déjanire des Cités-Joyaux le Lun 10 Mai - 20:27, édité 2 fois
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Mar 27 Avr - 4:08
Si Estelle nourrissait la moindre idée d’un jour trahir son impératrice, ce n’était qu’instinct de survie, teinté peut-être un peu de d’orgueil et d’égoïsme. Son allégeance allait à l’Empire pas seulement parce qu’il s’agissait encore de la puissance dominante, mais parce que tout ce qu’il représentait lui convenait mieux. Et il y avait Déjanire, l’impératrice. Être admise à ses côtés avait été un honneur, un vrai. Avec le temps, sans oser dire qu’elles étaient amies et confidentes, la suivante était dans les bonnes faveurs de la souveraine et elle avait développé un certain attachement, un sentiment de loyauté qu’elle souffrirait difficilement de briser le moment venu, s’il le fallait. L’empire devait triompher, mais le prix de cette victoire encore aussi indécise était bien lourd quand on regardait les yeux fatigués de la reine, quand on voyait ses joues moins rebondies – pas parce qu’on la négligeait à Topaze – tous les effets de ce que la prétendue victoire des thuriféraires de la Trinité avaient sur cette jeune femme trop douce et généreuse pour le rôle qu’elle devait jouer. Et pourtant, au cours des derniers jours, de cette interminable semaine, Estelle avait été à même de constater que personne plus que Déjanire n’était faite pour celui-ci. Elle avait découvert dans sa souveraine une force qu’elle ne lui avait jamais soupçonnée, une droiture et la solidité d’un chêne. Cela avait renforcé son respect pour celle qui avait été couronnée aussi jeune, assise sur un trône qui était alors beaucoup trop grand pour elle et qu’on avait convaincu qu’elle n’était pas encore prête à occuper pleinement. Estelle entrevoyait déjà pourquoi on l’avait écartée, pourquoi on la craignait : elle serait porteuse d’un vent de changement et si parfois la noble héritière craignait un peu ceux-ci, elle s’en remettait au jugement du sang bleu : elle ne croyait pas qu’on s’en prendrait à elle, qu’on la dépouillerait de tout ce qu’elle avait durement acquis par labeur et astuce. Alors quand elle constatait la fatigue bien transparente de celle qui règnait sur un empire désormais fracturé, bouleversé par la houle venimeuse d’une mer insoumise, elle s’inquiétait pour le bien-être de celle derrière le rôle, de la femme qui n’était somme toute qu’une humaine elle aussi.

Estelle se réconforta en songeant que ce soir, le thé de l’impératrice serait préparé exactement comme elle l’aimait et cette douceur, aussi minime soit-elle vaudrait certainement son pesant d’or à son tour.

- Vous êtes confortable? ...Vous êtes bien traitée? Le prince Hector est d’une bienveillance bienvenue et d’une générosité sans pareil… Je n’aurais pu espérer meilleur hôte, dans les circonstances.

Qu’elle était pâle la belle Déjanire si ce n’était le violet qui assombrissait ses yeux. Où était le rose de ses joues désormais lavées de tout fard. Et pourtant, dans toute la nudité de son visage fraîchement lavée, dans l’impudique chemise de nuit trop sage, on sentait pourtant la grandeur de la dame devant elle. Une force d’âme émanait d’elle alors que sans égard pour son propre confort, son propre épuisement, elle s’enquérait du bien-être de sa suivante. Pouvait-on nier les liens serrés qu’avait tissé entre les deux jeunes femmes cette fuite du palais d’Opale, dans la panique et la débandade? Il n’était plus simplement question d’avoir les bonnes grâces de son seigneur, c’était plus que cela, Estelle le ressentait et elle éprouvait quelques remords en songeant que pour se sauver, pour sauver Eleanor et sa mère, au diable aille leur père, elle serait prête à abandonner tout ceci. Cette compréhension mutuelle qui n’avait pas besoin de briser le silence.

- Votre Majesté, vous êtes trop généreuse. La largesse du prince Hector à notre égard n’est que le résultat de sa loyauté à votre égard. Certainement, on ne saurait être mieux traité qu’ici à Tourmaline.

Bien qu’Estelle était issue de la noblesse, elle n’aurait jamais prétendu à un accueil aussi conciliant et soucieux de son confort dans la demeure d’un des princes de Carat, elle n’avait pas suffisamment d’importance en-dehors de Nacre et maintenant qu’elle n’avait plus accès au domaine qui aurait dû devenir le sien, il lui semblait qu’elle avait énormément perdu de sa valeur, si ce n’était de sa beauté et de ses charmes. Tout le reste, elle le devait au prestige qui retombait sur quiconque faisait partie de la suite impériale, mais à ce titre, elle n’avait l’arrogance de se sentir supérieure aux autres courtisanes. Mais… peut-être arriverait-elle à gagner mieux encore les faveurs de son impératrice. Le jeu était dangereux, en devenant proche, il serait plus difficile de réfuter une réelle allégeance, mais pour Estelle, la victoire de la Trinité n’avait rien d’agréable et de désirable. Déjanire devait triompher de cette révolution et elle l’y aiderait de son mieux. Il restait à déterminer comment, car la demoiselle de Pastel manquait de ressources ces terres étrangères qu’elle aimait pourtant beaucoup.

- Dans les circonstances, nous ne pourrions êtes plus heureusement logés qu’à Tourmaline. Topaze est une magnifique princée et ses gens n’auraient su nous faire de meilleur accueil. Les appartements qui nous ont été offerts sont plus que confortables, je ne saurais m’en plaindre alors que je n’ai aucun autre mérite que celui de vous avoir suivie, Votre Majesté.

Estelle ne pouvait tout de même pas laisser tomber une opportunité à la flatterie. Elle n’était sincèrement pas aussi modeste qu’elle le laissait entendre, mais elle savait où était sa place, même si elle n’hésiterait pas à tout faire pour gravir les échelons et mériter mieux. La sollicitude de sa souveraine, si elle l’incitait à un cœur plus fidèle et moins volage, ne l’empêchait certainement pas de nourrir de l’ambition.

Mais l’heure n’était pas encore à acquérir plus. Pour le moment, elle devait consolider sa place dans la suite de Déjanire, prouver qu’elle n’était pas qu’une niaise, exilée pour avoir été là au mauvais moment. Elle se devait de gagner le respect, de gagner sa place dans l’entourage intime de l’impératrice. Et pour cela elle devait trouver le moyen de l’aider. Et ce n’était pas en la coiffant et en lui brossant les cheveux qu’elle l’aiderait à la soulager de cette lourde charge sur ses épaules.

- Je vous prie de me laisser savoir comment puis-je vous être utile. Je n’ai pas été élevée pour diriger un jour, mais j’hériterai du comté de Pastel, j’ai étudié ici à Tourmaline. Je ne veux pas rester assise à broder tandis que vous portez tout le poids d’un empire à la dérive sur vos épaules. Carat a besoin de vous et je vous soutiendrai pour que… pour que de pareilles horreurs n’arrivent plus.

Elle avait marqué un silence en repensant au sang versé et aux cris qui avaient résonné au palais. Elle ne voulait pas affliger sa souveraine en lui rappelant le passé et toute sa violence encore si récente.

- J’espère que vous me pardonnerez l’impudence d’une telle requête. Je souhaite seulement vous seconder du mieux que mes capacités me le permettent, que vos traits ne soient plus aussi tirés. Mais certainement, vous avez demandé ma compagnie pour autre chose. Ne dites qu’un mot et je vous écouterai, vous savez que je suis à votre service tout entier.

En sa qualité de dame de compagnie, de courtisane, Estelle avait pour devoir de distraire sa souveraine, de lui faire oublier ses tracas et lui offrir un moment, s’il n’était trop divertissant en raison de la précarité de leur situation, qui lui serait au moins agréable. Ses talents étaient tout à sa disposition.
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Dim 2 Mai - 19:46

Une reine soupire rarement en vain


avec @Estelle de Pastel


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Il y avait quelque chose d’apaisant, malgré les événements, malgré la peur diffuse et les rêves sombres et sanglants, à se tenir là, en compagnie de sa demoiselle de compagnie. Estelle de Pastel. Un thé chaud entre les mains pour constater que ses doigts étaient glacés, malgré la chaleur. L’odeur de l’infusion couplé au parfum légèrement épicé et boisé sur ses poignets la réconfortait plus qu’elle ne l’espérait. Alors elle sentait ses épaules se détendre, Déjanire, remarquant enfin combien elle avait pu être tendue jusque là. Tu es chez-toi, tu ne risques plus rien… Et pourtant, un regard discret vers la porte gardée par un homme de confiance. Un homme désigné par Silas de Demain lui-même. Sa tête savait. Son coeur doutait. Au-delà de l’illusion de protection, l’Impératrice ressentait malgré tout de la peur. Terreur qu’elle dissimulait sous un sourire pâle, tandis que sa demoiselle de compagnie répondait à ses questions avec mille délicatesses. Elle n’avait jamais regretté de l’avoir dans sa suite. Ce soir moins encore.

- Votre Majesté, vous êtes trop généreuse. La largesse du prince Hector à notre égard n’est que le résultat de sa loyauté à votre égard. Certainement, on ne saurait être mieux traité qu’ici à Tourmaline.

Elle y songeait, Déjanire, à sa belle Jézabel et ses bras protecteurs. L’impétueuse princesse de Saphir qui n’avait mérité que son affection et son amitié, depuis que mémoire se souvienne. Des alliés de l’Empire, il y en avait sans doute plus qu’elle ne pouvait l’espérer. Là-bas aussi, au coeur d’Aiguemarine, dans la capitale imprenable de la terre des lacs, elle aurait été reçue avec tout le respect et la délicatesse dus à son rang. Comme une certitude. Mais elle ponctuait les mots d’Estelle d’un hochement de tête gracieux et entendu, acceptant discrètement le compliment qu’elle lui offrait au passage. Le seul mérite que la demoiselle de Pastel semblait s’attribuer était celui d’être dans sa suite. Songeuse Déjanire, alors que la loyauté, la fidélité, l’honneur et les principes martelaient son coeur et son imaginaire. Et elle espérait si fort alors que les ambitions de ses suivantes soient liées à l’Empire et au respect des traditions, à la loyauté envers une souveraine plutôt que motivées par la seule peur d’une Trinité et ses excès de violence…

Mais elle reprenait parole, la belle de Pastel, offrant son soutien d’une bien douce manière… Elle lui proposait son aide, la questionnant sur la manière la meilleure de se montrer utile, et Déjanire fronçait les sourcils, plus songeuse qu’outrée. Plus curieuse qu’ennuyée par une telle requête, par une telle propension à vouloir aider. Le rôle d’une femme, sur les terres de Nacre… Bien peu conventionnelle, cette Estelle de Pastel. Dans les conseils restreints, elle se retrouvait seule, Déjanire. Seule femme. Trop souvent ignorée. Reléguée au rang d’une impératrice trop peu expérimentée. Trop douce, souvent. Trop innovante, parfois. Un regard trop maternel sur un peuple qu’elle ne connaissait pas comme elle souhaitait, qu’elle espérait. Trop tout, à leurs yeux, en entendant leurs paroles, en entendant cette manière cruelle de l’éloigner. Trop. Et pourtant… Pourtant elle se sentait si peu, la souveraine. Si peu au fait. Si peu investie. Si peu confiante dans ce rôle de géante, alors que son peuple se divisait et s’entretuait.

Alors son thé lui semblait soudainement bien amer, gâché par les événements, gâché par tout ce qu’elle avait pu vivre avant. Elle le reposait sur la table basse, alors que sa demoiselle de compagnie se confondait en excuse, quémandant son pardon pour une faute que Déjanire peinait à se figurer. Elle ne cherchait qu’à la seconder, qu’elle avançait de sa voix petite, et l’Impératrice lui offrit un sourire empreint d’une bonté non feinte. Celui un peu attendri qu’elle offrait souvent à ses suivantes les plus jeunes. Celui que se méritait trop souvent sa petite soeur, dans l’ombre de leurs confidences.

- Il n’y a nulle faute à pardonner, Estelle. Il n’y a nul pardon à offrir… Les événements nous confrontent à notre propre impuissance, et je ne peux que vous comprendre dans votre volonté de vous sentir utile. De sentir que vos gestes, que vos actions, font sens, dans ce chaos engendré.

Les soieries amples glissaient sur ses bras, alors qu’elle croisait les mains sous une posture sage et ouverte. Jusque là. Jusque dans les petits détails, Déjanire se sentait déracinée. Perdue. Seule. Cette robe de chambre typique des femmes de Topaze, colorée et vive, si loin des étoffes délicates et immaculées des contrées l’ayant vue naître. Cette robe de nuit trop sage qui couvrait sa peau de nacre. Car la nuit au coeur du désert était fraîche, que la domestique lui avait murmuré, le premier soir, la première nuit. Un bain bouillant, des huiles parfumées, des vêtements nouveaux pour remplacer sa robe et ses jupons déchirés dans la fuite difficile.

- Vous m’avez dit que votre seul mérite était de m’avoir suivie… Je crois que votre mérite est votre loyauté. Notre vie ne sera plus la même, je le crains. Même lorsque les terres de Nacre seront sécurisées. Il y aura toujours ce doute…. Toujours cette crainte, de revoir cette scène, de voir à nouveau un soulèvement. Et malgré tout, Estelle, vous êtes ici, à mes côtés, plutôt qu’à votre Comté, entourée de votre famille. Votre loyauté… Vous méritez cette quiétude, croyez-moi.

Votre loyauté m’est précieuse, Estelle. Tellement précieuse… Ses yeux sombres se perdaient un moment dans les volutes de fumées s’échappant encore de sa tasse délicate. Une pensée comme une blessure pour tous ceux qui avaient sombré pour lui avoir été loyaux. Une pensée comme une blessure pour tout ceux qui avaient perdu un être cher, dans ce soulèvement mené par la Trinité. L’impuissance, demoiselle de Pastel… L’impuissance nous touche tous, petits et grands, en ces temps troublés. Si vous saviez…

- Vous m’avez dit avoir étudié ici et connaître les terres du silence. Je n’ai que trop peu visité cette région, et mon savoir se limite à ce que les livres ont pu m’en dire. Beaucoup, mais si peu aussi. Auriez-vous le coeur à divertir votre Impératrice, Estelle? Accepteriez-vous de me raconter une légende propre à Topaze?

Comme elle soupirait, douce Déjanire, en relevant ses prunelles sur sa demoiselle. Résignée dans son impuissance. Résignée dans son attention. Il n’y avait rien à faire, si ce n’était de s’inquiéter pour ses sujets emprisonnés sur les terres de Nacre. De regretter des décisions qu’elle n’avait pas prises. De douter de ses conseillers, de tout ce qu’il avait pu faire pour elle, en son nom. Peut-être n’était-ce pas ce qui était le meilleur, ce qui était bon. L’esprit embrumé, les repères bafoués. Son attention sur Estelle. Car il n’y avait plus que cela à faire, s’occuper et bercer ses tourments, en attendant. S’éduquer par les fables oubliées. S’intéresser à ce peuple trop méconnu à ses yeux et son coeur pour tout ce que le prince Hector faisait pour elle.


Dernière édition par Déjanire des Cités-Joyaux le Lun 10 Mai - 20:28, édité 1 fois
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Mer 5 Mai - 6:21
Leur propre impuissance. Estelle avait grandi dans un monde d’homme. On avait fondé tous les espoirs sur un fils qui ne faisait pas le poids. Il ne fallait pas se méprendre. Estelle aimait Emmanuel. C’était son frère, elle pleurait sa perte même si elle y avait gagné. Son amour n’était toutefois pas aveugle. Elle connaissait ses faiblesses et elle savait que jamais il ne serait le comte qu’il fallait à Pastel. Sa mort précoce n’était certainement pas la façon dont elle aurait voulu l’évincer de la place d’héritier, mais il fallait admettre que cela avait résolu un de ses plus grands problèmes. Jusqu’à ce que la révolution s’amène et qu’elle décide de rester auprès de Déjanire en fuyant Opale pour Tourmaline. Parce que là, régner sur ses quelques gens à partir de Topaze, ce n’était pas gagné. Heureusement, avec Eleanor, elle avait réglé le principal problème de la famille en neutralisant toute tentative de leur père de produire un nouvel héritier. Ce n’était pas sa démarche dont elle était la plus fière, très certainement, mais Estelle goûtait très peu l’idée de devoir être limitée dans ses ambitions tout simplement parce qu’elle n’avait pas eu l’heure de naître garçon. Elle était tout aussi capable que n’importe quel homme, voire même plus dans certains cas. Ce n’était pas seulement dans le chaos que la demoiselle de compagnie cherchait à donner un sens à ses habitudes, ses gestes. Elle ne voulait pas être qu’une simple poupée de porcelaine, belle à regarder et sans autres usages. Elle avait fui Nacre parce qu’elle croyait l’Empire plus fort, parce qu’elle sentait que la Trinité lui arracherait tout ce que ses efforts lui avaient permis d’acquérir. Revendiquer qu’un titre de noblesse n’était acquis qu’avec simplicité? Voilà qui était grossier et une preuve d’une incompréhension totale des mœurs et usages de la cour. Chaque jour il fallait se battre pour conserver sa place, l’affection des souverains et parfois pour simplement la prendre. Combien d’autres jeunes filles, aînées de la famille, avaient-elles été privées de leurs droits tout simplement parce qu’elles étaient femmes? Avait-elle eu le choix à la naissance d’être ce qu’elle était? Non. Et elle n’allait pas se faire passer pour un homme tout simplement pour obtenir ce qu’elle désirait. Déjanire ne comprenait pas les motivations d’Estelle, c’était beaucoup plus complexe que cela en avait l’air, mais la Pastel ne dit rien pour la contredire. Ça ne servirait pas son intérêt de se dévoiler complètement devant sa souveraine.

Surtout quand elle louangeait sa loyauté. Estelle éprouva quelque chose qui ressemblait à un semblant de remords pour toutes ces cachoteries. Elle ne méritait pas absolument cette si bonne opinion que Déjanire avait d’elle. Parce qu’au fond d’elle-même, Estelle n’était pas convaincue qu’elle ne la trahirait pas un jour, sa belle impératrice. Il ne fallait pas se méprendre. L’héritière de Pastel était partisane de l’Empire et ne s’intéressait pas du tout aux idées de la Trinité. On pouvait même affirmer sans trop mentir qu’elle désapprouvait. Ils ne savaient rien. L’Empire était tout, il était puissant et avait raison d’exister. Elle en était persuadée et elle serait assez agacée de devoir laisser une institution aussi forte et sensée derrière elle. Mais elle savait qu’elle le ferait sans hésiter si c’était nécessaire. Elle n’allait tout de même pas causer sa propre chute, pas maintenant, pas après tous ses efforts. Elle ne doutait pas de la victoire de son impératrice sur cette bande de rebelles dégénérés, mais dans l’infime possibilité où elle échouerait, où ils échoueraient tous, elle devait protéger ses arrières, protéger Eleanor, Aglaé, Pastel. Et ce n’était pas morte qu’elle y arriverait. Elle regrettait, mais la confiance de Déjanire en elle était… une erreur, un mensonge. Tout aurait été plus facile si la souveraine n’était pas aussi… humaine. En vérité, devant cette impératrice en fuite, si Estelle ressentait le respect dû à son seigneur et maître, elle se sentait aussi attendrie. Ce n’était pas un cerveau froid qui gouvernait sur Carat, mais un cœur battant. Une femme qui comme elle devait constamment se prouver. Et ça, Estelle éprouvait beaucoup de respect à cet égard.

Estelle se jura à elle-même.

Elle jura qu’avant de tourner le dos à cette femme, à cette consœur, elle ferait tout pour l’aider à vaincre et triompher de l’ennemi. Le nom de Déjanire évincerait celle des précédentes. L’histoire se souviendrait d’elle. Elle y mettrait tous ses efforts, pour autant qu’ils puissent servir à quelque chose.

Divertir l’impératrice? Voilà qui était une tâche dangereuse sur ses épaules. Elle ne pouvait pas décevoir, mais elle n’était pas certaine non plus d’en avoir les capacités. Elle marque une pause, le temps de réunir ses idées.

- Mes connaissances sont certes bien minces, quelques années d’études à Tourmaline ne permettent pas de connaître tout un peuple, mais si ces quelques savoirs peuvent vous être de la moindre utilité, ils vous appartiennent, vous n’avez qu’à me les réclamer, Votre Majesté, souffla-t-elle avec une certaine humilité.

Estelle avait été passionnée par Tourmaline, par ses gens, par Topaze. Par ces endroits qui changeaient constamment de noms. Ça n’avait pas été le sujet de ses études pendant son séjour, elle lui avait préféré la littérature, mais ça ne l’avait pas empêché de se documenter et de se plonger dans de nombreux livres de la bibliothèque de l’université rien que pour en apprendre un peu plus. Topaze résonnait avec elle. Elle ignorait pourquoi, mais cette contrée si différente de la sienne lui semblait plus être liée à elle. Curieusement.

- Je n’ai nul talent de conteuse et je ne ferai certainement pas justice aux nombreuses légendes qui arpentent les déserts, mais je m’efforcerai de vous distraire.

La Pastel éprouvait peu d’angoisse à s’exprimer, elle était éloquente et elle le savait. Ça ne datait pas seulement de son passage à Tourmaline où elle avait beaucoup évolué au contact des autres élèves. Cependant, elle ne s’était jamais réellement mise dans le rôle d’une conteuse et elle éprouvait tout de même une pointe d’appréhension à l’idée de revêtir ces habits pour la première fois devant nulle autre que l’impératrice de Carat. Surtout à l’improviste. Ce n’était tout de même pas la première venue.

Elle prit une gorgée de thé, tandis qu’elle remettait de l’ordre dans ses idées et qu’elle anticipait déjà comment formuler ses phrases, les unes après les autres. Il fallait qu’elle réussisse à rendre le tout joli et captivant pour les charmantes oreilles qui recevraient ces mots. Si seulement Eleanor avait été là, à ses côtés, pour donner vie à quelques illusions et ainsi illustrer la fable qu’elle allait raconter! Mais sa sœur était juste là où il le fallait. Là où c’était nécessaire.

En ravalant toutes ses inquiétudes et ses incertitudes, elle s’éclaircit délicatement la gorge avant de commencer.

- Simoun l’Agile était un artisan qui n’avait pas son pareil. Souffleur de verre de profession, il avait toutefois acquis le titre de souffleur de vie. Simoun n’avait point de pouvoirs spéciaux, ce n’était pas un Prisme, et pourtant on aurait aisément pu croire le contraire devant ses créations qui semblaient toujours si vivante et animée. Comme s’il ne s’agissait pas d’objets en vérité.

Estelle marqua une pause, le temps de se remémorer quelques détails du conte. Il y avait plusieurs versions de celui-ci et elle ne voulait pas les confondre. Ou plutôt, en qualité d’étrangère, elle ne se permettait pas tout à fait de réinventer la légende à son tour, comme la tradition orale l’avait fait pendant des siècles et des siècles.

- Un beau jour, alors qu’il arpentait les étals recouverts d’étoffes colorées, de pierreries et d’épices parfumées de la petite ville près de l’oasis où sa famille s’était arrêtée, il fit une rencontre complètement improbable qui changea le cours de sa destinée. Alors qu’il se penchait pour observer un morceau de coton bleu pour son turban, une main, une minuscule petite patte, se tendit sous lui pour attraper la bourse du marchand. Avant qu’il ne puisse réagir, elle avait déjà disparu. Les voleurs n’étaient pas inconnus au fils des terres du silence; or il se contenta d’être soulagé de ne pas avoir été la victime de ces petits doigts adroits et poursuivit tranquillement ses emplettes.

Estelle jeta un coup d’œil à l’impératrice. Elle semblait attendre la suite de l’histoire, alors elle poursuivit, un peu rassurée quant à sa prestation, même si elle n’était pas encore bien certaine de savoir si cela plaisait réellement à Déjanire.

- Force fut toutefois de constater que partout où il regardait, cette même main le suivait, commettant méfait sur méfait, sans jamais pourtant s’en prendre à sa bourse. Il avait pris le temps d’observer cette petite main, celle d’une femme, d’une jeune fille, qui se cachait dans son ombre, bien habilement, puisqu’en-dehors de sa main, il ne vit jamais nulle trace de sa propriétaire. Ses emplettes terminées, il retourna chez lui, cette maison provisoire et s’installa près du souffleur à feu. Il travailla toute la nuit à reproduire en verre cette petite main qu’il avait croisée, intriguée par la femme qui la maniait si agilement. Une fois l’œuvre terminée, on raconte qu’on avait l’impression que les doigts de cette petite main de verre frémissaient, comme s’ils attendaient le moment idéal pour s’emparer de vos biens. L’histoire aurait pu se terminer là, mais au cours de la nuit, Simoun s’était mis à s’interroger sur la propriétaire de doigts aussi fins, aussi délicat : il décida donc de se mettre en quête de cette voleuse d’exception et il s’y appliqua avec persévérance.

Estelle marqua une autre pause pour prendre une autre gorgée de thé. À tant parler, elle se sentait la gorge desséchée. Elle ne perdit pas trop de temps à se reposer, elle voulait continuer et peut-être épater sa souveraine. Mais c’était peut-être en demander trop face au conte d’une personne inexpérimentée.

-  Des semaines et puis des mois passèrent sans que jamais Simoun ne revoit la petite main et il faudrait bientôt déménager, reprendre la route. Il ne désespérait pas de réussir sa quête un jour ou l’autre, mais il commençait à se montrer anxieux de ne pas pouvoir y réussir avant de partir. Jusqu’au jour où il fut tiré à l’écart au détour d’une échoppe abandonnée. Dans la pénombre, il ne pouvait que distinguer la silhouette d’une jeune fille qui lui demanda :

- Voilà bientôt six mois que tu me cherches et c’est très mauvais pour mes affaires. Que me veux-tu à la fin?

- Simoun répondit sans même y réfléchir. Il voulait lui demander sa main, à laquelle il rêvait depuis des semaines, sans relâche. Sa pâle copie de verre ne lui suffisait pas, il priait pour la chair, les os et le sang, pas une simple coquille vide. C’est la stupeur qui accueillit cette déclaration et seulement lorsqu’elle se fut remise de sa surprise, la jeune femme lui ordonna de cesser de la chercher en agitant cette copie de sa main partout, sinon cela finirait mal.


Estelle paraphrasait. Quand elle avait lu la légende, elle avait pu s’imaginer les expressions et le ton des protagonistes de l’histoire, maintenant que c’était à elle de la raconter, elle craignait trop les ratés pour oser s’y mettre.

- Pourtant, ce ne fut pas la dernière fois qu’il rencontra la main. Ou plutôt la jeune fille. Elle apparaissait comme bon lui semblait, lui causant régulièrement une vilaine frousse. Elle s’en amusait et le traitait de fleur bleue. Elle lui apprit son nom, Adalie. Curieusement, l’amour avait fleuri au milieu du désert. Ce qu’ignorait Simoun, c’était qu’Adalie, dont il n’avait jamais vu que les mains, était la pupille d’une grande dame et de son époux, des personnes d’importance. La très jolie pupille. Et elle s’était attiré les attentions d’un homme riche et puissant qui la convoitait lui aussi en mariage. Et les jours de Simoun à l’oasis étaient comptés. Peu avant son départ, le grand seigneur essuya un refus de la part d’Adalie qui avoua être éprise d’un autre. C’était un esprit libre, jamais on n’aurait pu lui imposer d’épouser qui que ce soit contre son gré. Malgré tout, le rival s’y appliqua et tenta de forcer la voleuse. Simoun avait eu vent, de cet homme désagréable qui cherchait à épouser une jeune fille qui ne voulait pas de lui sans jamais se douter qu’il s’agissait de son Adalie.

La demoiselle de compagnie arrivait bientôt à la fin de son histoire et elle scruta à nouveau le visage de son impératrice. Elle n’avait pas l’impression d’y lire de déplaisir. Elle poursuivit.

- Un jour avant son départ, Adalie ne se montra pas au rendez-vous. Inquiet, Simoun parti à sa recherche. Une foule s’était rassemblée devant la demeure d’Adalie où son prétendant indésirable lui demandait sa main. Devant tout le monde. Et c’était bien celle de sa douce.  Il s’interposa, l’histoire ne nous dit pas comment, mais la pagaille fut semée sur la place, permettant à Adalie de fuir après que Simon lui eut eu promis de la retrouver dans une autre ville. Mais à chaque fois que les deux amoureux se retrouvaient, le rival s’interposait. Alors Simoun se rendit à la cour, pour supplier son souverain de lui venir en aide pour que l’homme ne puisse plus jamais retrouver Adalie et la harceler. Le prince l’exauça. Dès lors, le nom des villes changea, dissipant toute piste à propos de la jeune femme. Mais si le prétendant indésirable ne pouvait plus retrouver la jolie voleuse, Simoun non plus. Les années passèrent. Simoun continuait de chercher inlassablement son aimée, la tâche lui était devenue difficile parce que les villes ne cessèrent jamais de changer de nom. Puis un jour, après des années de recherches, enfin, il retrouva sa dulcinée. Et c’est ainsi que naquit la coutume de renommer les endroits en Topaze.

Estelle se tût. Ça ne s’était pas si mal passé. Elle croyait. Elle n’osait plus regarder Déjanire, consciente de lui avoir servi une légende particulièrement longue. Elle attrapa sa tasse, dont le thé était désormais froid, pour masquer son insécurité : elle avait peur d’avoir déplu. Après tout, Déjanire était importante et si elle devait perdre ses faveurs pour avoir échoué à la distraire, elle s’en voudrait énormément.

- Enfin, ce n’est qu’une version de la légende et une parmi tant d’autres qui expliquent pourquoi les villes ne portent pas le même nom ici.

Elle s’expliquait, un peu embarrassée d’avoir choisi un conte peut-être un peu trop enfantin pour une femme de l’âge de l’impératrice : ce n’était plus une petite fille. Pourtant, elle trouvait cette histoire adéquate. Parce que c’était avec persévérance que Simoun et Adalie avait été réunis. Tout comme Carat retrouverait tôt ou tard Nacre. C’était un mot d’encouragement, enrobé de beaucoup de métaphore. Peut-être avait-elle plus appris des Topaziens qu’elle ne le croyait.
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Lun 10 Mai - 20:30

Une reine soupire rarement en vain


avec @Estelle de Pastel


©anyasrapunzel|skyfall|


L’hésitation fragile sur le visage d’Estelle. Déjanire avait douté, quelques secondes, que sa demoiselle de compagnie refuse de la divertir d’une légende ou d’une histoire topazienne. Le coeur en berne, tout comme sa souveraine. Le mal du pays, au coeur de la nuit. La peur toujours présente, rendant la narration pesante. Tant de maux, tant de non-dits qu’elle aurait pu comprendre pourtant, sans s’offenser. Mais elle prenait parole, la conteuse soudaine, en avançant ne posséder que de bien minces connaissances. Des connaissances qui lui appartenaient, désormais, généreusement offertes, s’il advenait qu’elle en décèle l’utilité. Et Déjanire lui offrit un sourire doux, en guise de remerciement. Car la connaissance, même minime, était précieuse. Elle s’en rendait compte, depuis l’assassinat de tant de ses conseillers. Depuis une semaine, depuis que l’état catastrophique de l’empire lui était entièrement dévoilé. Aveugle trop longtemps. Et maintenant que le voile s’était levé… Elle ne savait plus comment appréhender tout ce qu’elle percevait, soudainement.

- Prenez votre temps, Estelle. Ma demande est soudaine, j’en suis consciente.

Quelques mots soufflés pour l’encourager. Une gorgée de thé, pour elle aussi, le temps que sa dévouée rassemble ses idées. Elle reprenait parole, Estelle, s’avançant bien timidement dans cette légende ou ce conte, débutant par la présentation d’un artisan. Un souffleur de verre. Un art si précieux, en Topaze, qu’elle savait pourtant, Déjanire. Des oeuvres qu’elle s’était plu à contempler lors des rencontres diplomatiques. Des oeuvres qu’on lui avait offertes, également, pour enjoliver le palais impérial, pour égayer son quotidien.

Souffleur de vie. Un titre si poétique, pour une vision bien douce de ses créations. Elle se laissait transporter, Déjanire, s’imaginant sans difficulté la joliesse du verre savamment soufflée. Si joli qu’on en confondait l’origine avec la magie. Une pensée pour les Argiles, qu’elle s’efforçait de chasser. Une pensée pour la Trinité, repoussée d’une gorgée de thé. Rester concentrée sur Estelle, sur ses paroles de lumière, sur cette petite main voleuse bien mystérieuse. Un sourire tendre pour ces doigts reproduits avec adresse par un homme qu’elle devinait déjà conquis. Car il ne lui semblait qu’il ne pouvait y avoir que cela, les épanchements d’un coeur, pour partir dans une quête aussi improbable. Une quête impossible, peut-être même, tandis que sa suivante indiquait les mois écoulés sans la retrouver.

- Pauvre Simoun…

Reconduit puis malmené par cette Adalie qu’elle s’imaginait aussi jolie que furie. Une Adalie éprise prisonnière et la souveraine perdit son joli sourire pour une mine songeuse. Une pupille piégée, forcée, la main demandée devant une foule agitée. Elle avait reposé sa tasse vide, Déjanire, suspendue aux lèvres de la demoiselle de Pastel. De la fuite improbable d’Adalie, de tous ces efforts pour retrouver son Simoun, la souveraine n’en retenait que ce changement de nom si particulier aux gens de Topaze. Une fin douce, après l’amer. Un soupçon d’affection pour terminer cette histoire, de la patience et de l’espoir pour expliquer cette coutume du désert.

- Enfin, ce n’est qu’une version de la légende et une parmi tant d’autres qui expliquent pourquoi les villes ne portent pas le même nom ici.
- Permettez-moi de douter de vos paroles, désormais, Estelle.

Elle avait de la chaleur dans la voix, une nuance d’espièglerie dans les yeux. Et ce sourire mutin qui se faisait malgré tout si doux, si tendre, pour cette demoiselle qui avait fait naître des rêves au cœur de ses tourmentes.

- Vous me disiez avoir bien peu de talent de narratrice, mais vous voilà ambassadrice des contes, mythes et légendes de Topaze auprès de votre Impératrice.

D’un mouvement léger de la main, elle l’invita à lui servir un peu de thé, à nouveau. La mine plus légère que plus tôt. Sans un regard pour les collations parfumées. Trop d’émotions, depuis son déracinement, pour ressentir la faim. Même ce soir, même entourée de suivantes fidèles.

- Ce conte était très à propos… Très joliment choisi, et très joliment narré. Je vous en remercie. Il me semble parfois que ma méconnaissance de Topaze est immense, mais je crois qu’il s’agit plutôt de cette faculté pour les gens d’ici à me surprendre constamment. Des années à étudier leur histoire, leurs coutumes, des rencontres constantes et cordiales, et là où je crois tout savoir, ils se réinventent... Des gens charmants.

Ses prunelles suspendues aux volutes de fumées légères qui s’échappaient de sa tasse soigneusement sucrée. Les gens d’ici… Ne l’était-elle pas aussi, d’une certaine façon, en tant que dame d’Onyx? Une seigneurie qui était sienne, dans l’une des princées de sa couronne. Mais pourtant… Pourtant, la peur farouche, féroce, la peine qui lui avait semblé sans limite, à la mort de Macsen. Comme un gouffre. Un gouffre d’une obscurité insondable où elle avait bien cru se perdre. Un intendant pour administrer les terres. Elle avait peiné à y retourner, à les visiter, ces gens qui n’avaient sans doute pas compris que ce dédain souverain cachait une blessure trop vive, trop profonde. La perte de Macsen, la perte du petit… Trop, trop pour l’enfant qu’elle était alors, qu’elle avait l’impression d’être encore. Elle soupirait, Déjanire, s’extirpant de ses pensées chagrines pour contempler le minois d’Estelle.

- Peut-être pourriez-vous m’appuyer autrement, après tout. Et sans doute votre position de femme et votre séjour prolongé ici-même, à Tourmaline, pourront m’éclairer.

Chasser le chagrin, chasser la tristesse, éloigner les souvenirs les pires. Elle forçait un sourire, Déjanire, pour effacer ses soupirs. Croire encore à l’avenir. Comme Simoun l’Agile pour sa douce Adalie.

- Trop longtemps je n’ai pas pu retourner sur les terres d’Onyx… Mes terres. L’endroit est soigneusement administré, mais il me semble qu’il serait plus qu’important que j’y retrouve mes gens, tandis que les rumeurs terribles se profilent depuis la Nacre. Ou que je leur rappelle mon soutien… Qu’ils ne craignent rien. Peut-être… Peut-être devrais-je offrir des chevaux d’Onyx au prince Hector, en guise de remerciements? Ils sont les plus rapides du désert. Et je crois bien que les éleveurs en tireraient une certaine fierté.

Une impératrice sans conseiller, gagnée par le doute, par l’incertitude, par les vagues de la révolution qui la rendait moins certaine qu’avant, encore. Son regard plongé dans celui d’Estelle, et elle se maudissait, Déjanire, de demander à une femme qui disait elle-même ne pas avoir été élevée pour diriger. Alors qu’elle, la souveraine, avait été soigneusement éloignée. Des idées inappropriées. Des idées qu’on ne considérait pas. Et si cette idée-là était maladroite, aussi, l’héritière de Pastel oserait-elle lui déplaire en se faisant honnête?

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Une reine soupire rarement en vain Empty Re: Une reine soupire rarement en vain

Lun 24 Mai - 18:28
La demoiselle de compagnie contempla sa reine avec une certaine stupeur. Venait-elle de perdre la confiance durement acquise de Déjanire? Cette bribe de reconnaissance qu’elle avait gagnée aux yeux de l’impératrice? La Pastel trembla intérieurement et tâcha de cacher son inquiétude. Elle ne laisserait pas savoir à Déjanire combien cette déclaration l’inquiétait et comment ce sourire, elle ignorait de quelle façon l’interpréter! Comme elle avait l’air taquin, espiègle, en ce moment la belle Déjanire! On aurait dit la jeune femme qui habitait encore dans le palais d’Opale, libre de bien des soucis. Était-ce un vestige qui remontait doucement à la surface? Ce n’est pas l’expression de quelqu’un qui vient d’être déçue. Ou qui croit se tenir en présence d’un imposteur ou d’un menteur. Sans être complètement soulagée, Estelle songea que ce ne devait être que son imagination, qu’elle n’avait rien fait pour déplaire à sa souveraine et que si ses allégeances pouvaient changer, il n’en était encore rien et elle soutenait l’empire de tout cœur. Elle n’avait nullement trahi la couronne. Elle n’avait montré aucun signe de belligérance. Tout au plus, elle ne croyait peut-être pas que cette légende fût authentique. Ce n’était rien. Elle se raisonnait ainsi la belle héritière, en songeant que vraiment, rien ne pouvait justifier un changement si soudain des bonnes grâces de Sa Majesté. Elle en était convaincue. Il ne manquait plus que les mots viennent concrétiser sa conviction, la rassurer. Comme elle craignait déplaire, Estelle.

- Vous me disiez avoir bien peu de talent de narratrice, mais vous voilà ambassadrice des contes, mythes et légendes de Topaze auprès de votre Impératrice.

La nouvelle ambassadrice ne put cacher sa surprise, car elle était totale. C’était un très grand honneur qu’on lui faisait, mais c’était aussi une lourde tâche à accepter, une responsabilité sans précédent et elle était touchée, la demoiselle de Pastel d’une telle marque de distinction. Ses mains tremblaient tandis qu’elle soulevait la théière pour remplir la tasse de Déjanire, rajoutant la quantité nécessaire de sucre et de lait. Elle remercia tous les dieux de lui avoir permis de ne faire aucun dégât, tant elle était honorée et secouée par cette marque de confiance. Elle était grandement flattée, car elle n’aurait pu aspirer à une meilleure position auprès de l’impératrice, elle qui n’avait que trop peu de connaissance sur la gestion des terres ou des conflits politiques, comme il fallait s’y attendre d’une fille de la Nacre. Bien évidemment, elle n’était pas originaire de Tourmaline, c’était un fait inéluctable, mais elle pourrait toujours se renseigner à la bibliothèque.

Quand elle n’était qu’étudiante à l’université, elle s’y était installée durant de longues heures pour en parcourir les nombreux ouvrages, avec beaucoup d’intérêt. Ça n’avait rien à voir avec ce qu’on pouvait trouver à Opale, dont la collection ne laissait pourtant pas à désirer. Souvent, elle s’était demandé comment arrivaient-ils à maintenant aussi bon état le parchemin relié dans une couverture en cuir, avec la sécheresse du désert et du sable qui s’infiltrait partout. Ou peut-être était-ce une protection efficace contre l’humidité.

Et devant cet honneur, bien trop grand, elle ne savait pas quoi répondre la douce Estelle. Comme si ce n’était point déjà suffisant, très à propos son conte, très joliment choisi et très joliment narré, disait l’impératrice. La demoiselle de Pastel ne put empêcher le rose de lui monter aux joues devant une telle cascade de compliments. Oui, cela soulevait nombre de responsabilités, mais elle se sentait prête, prête à relever un tel défi, mais surtout à servir son impératrice. Il n’y avait que quelques jours depuis leur fuite précipitée de la capitale, mais déjà Eleanor lui manquait, déjà elle la souhaitait près d’elle, même si elle savait que c’était impossible. Si elle pouvait contribuer ne serait-ce qu’un peu à ce que Déjanire récupère son empire et mette fin aux prétentions de ces révolutionnaires de la Trinité, elle le ferait sans hésitation et de tout cœur. Même si elle préparerait ses arrières. L’instinct de survie de la demoiselle surpassait tout le reste, bien qu’elle se sente déchirée devant le dilemme. Il fallait admettre que Déjanire lui plaisait, beaucoup même. Elle ne se voyait pas servir d’autre souveraine de sa vie et elle s’en voulait quelque peu d’anticiper sa défaite. Mais il fallait ce qu’il fallait. En attendant, elle tâcherait de se montrer digne de l’honneur qu’on lui faisait, de la confiance qu’on déposait entre ses mains, ce fragile nourrisson qui se briserait les os si on n’y prenait gare.

- Vous me trouvez confuse devant tant d’honneur Votre Majesté. Je tâcherai de ne point vous décevoir et ferai de mon mieux pour vous servir.

Elle marqua une pause en songeant à la proposition de Déjanire quant aux étalons d’Onyx. Après tout, elle n’y connaissait rien en relations diplomatiques, elle ne s’occupait même pas de veiller à la bonne entente entre sa famille et les autres nobles de la Nacre, si ce n’était qu’en distribuant ses jolis sourires. Son père s’était bien gardé de lui laisser prendre les rennes, ne serait-ce que d’une partie de l’intendance du domaine et tout ce qu’elle savait n’avait été que découvert ici et là, glané en écoutant aux portes et en lisant de vieux manuels, cachée dans sa chambre.

- Je suis certaine que le Prince Hector saurait apprécier un tel présent de votre part, on ne se défait pas de pareilles bêtes sans y songer deux fois. Il s’agit d’un gage d’ouverture à l’échange je crois.

Mais une autre idée lui trottait en tête. Elle imaginait très mal qui que ce soit être désappointé du cadeau de l’impératrice elle-même, cela serait bien ingrat très malvenu. Elle représentait beaucoup trop pour qu’on l’insulte et la bafoue dans son honneur ainsi. Cependant… Estelle craignait que ce présent ne montre qu’une bonne volonté et le manque de familiarité de Déjanire avec le peuple du désert.

- Toutefois, vous êtes certainement sans ignorer que les topaziens chérissent sincèrement l’instruction et la connaissance. Ce sont de fervents littéraires et une visite à la bibliothèque de Tourmaline vous inspirerait assurément beaucoup de respect. Je crois qu’il serait bienvenu d’offrir un cadeau qui reflète les intérêts et les valeurs des gens d’ici, pour leur témoigner du désir d’échange, que votre installation au castel de Tourmaline n’est pas une appropriation. Aux yeux des indécis ou des indifférents, peut-être cela vous rendra-t-il plus attachante et vous gagnera-t-il leur allégeance. Leur offrir un ouvrage rare serait peut-être un beau témoignage de respect et de reconnaissance.

Elle s’arrêta ici, consciente de l’impudence dont elle faisait preuve. Déjanire était certainement plus aux faits de l’étiquette à suivre en diplomatie qu’elle-même. Pourtant, elle osait, elle osait faire cette suggestion, voilà qui montrait d’un certain toupet, mais ses connaissances, son expérience lui dictait de soulever cette idée. Elle la savait difficile à exécuter, comment accéder aux trésors d’Opale alors qu’on en avait été chassé? Personne n’aurait songé à emporter avec lui quelques pièces uniques de la collection impériale, il n’y avait pas eu le temps pour cela.

- Pardonnez mon audace. Vous savez certainement mieux que moi ce qui est convenable. Vous pouvez compter sur moi pour vous accompagner sur vos terres, si vous le désirez. Il me semble que ce soit une excellente idée que de vous montrer à votre peuple, à vos gens. Tout en assurant votre sécurité Votre Majesté, bien sûr.

Une telle expédition comporterait certains dangers, c’était évident, mais Déjanire ne pouvait pas rallier son peuple en se terrant dans le palais d’un autre et un seul regard, leurs yeux se croisant pour un court instant, Estelle sut qu’elles le savaient toutes deux.
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Jeu 10 Juin - 16:09

Une reine soupire rarement en vain


avec @Estelle de Pastel


©anyasrapunzel|skyfall|


De la surprise. Mais pas seulement. Du ravissement, aussi, sur ses traits délicats, et les yeux brillants de la demoiselle de Pastel valait bien ce petit moment d’incertitude avant que la nomination soudaine ne l’incombe. Si elle avait pu chasser le souvenir des hurlements dans les couloirs, la fuite désespérée et les gerbes de sang maculant les murs immaculés du palais des Astres, alors elle pouvait se féliciter, Déjanire. Si elle demeurait impuissante, pieds et poings liés sous les caprices violents de la Trinité, elle avait au moins ce pouvoir d’égayer ses gens, de protéger sa suite et de faire naître des étincelles, même fragiles, dans le regard de sa demoiselle de compagnie la plus loyale. Elle s’affairait néanmoins à verser soigneusement le thé, Estelle, à adoucir l’amertume d’un peu de sucre, avant de lui répondre. C’était un honneur, qu’elle lui disait d’une voix délicate. Et elle ne comptait pas la décevoir. Comment vous dire, Estelle, qu’il s’agit de mon rôle, de mon devoir, de servir mon peuple et de ne pas le décevoir… Et pourtant.

Une gorgée de ce thé sucré pour éloigner le chagrin qui la menaçait une fois de plus. Trop récents, les événements. Trop récents, les souvenirs violents. Et lorsqu’elle reprenait parole, invitant l’héritière de Pastel à se prononcer sur son idée de concilier l’honneur des gens de l’Onyx - de ses gens - à un présent de remerciement pour le prince Hector, celle-ci sembla songeuse une fois encore. Dans ses mots pleins de nuances, elle percevait les détours délicats d’un doute, l’Impératrice. Un peu comme le faisaient ses conseillers, jadis, avant de refuser une idée pour une autre. Et Estelle empruntait le même chemin, avec plus de finesse sans doute, en lui proposant autre chose. Un livre rare, pour souligner sa compréhension des gens de Topaze. Alors elle hésitait, la souveraine, le regard perdu dans sa tasse aux lueurs ambrées. Elle connaissait les Topaziens, sans doute moins qu’une autre, mais suffisamment pour accomplir ses devoirs diplomatiques. Il lui semblait délicat, néanmoins, de dénicher un pareil ouvrage alors que sa princée lui était dérobée, que son palais lui était soustrait. Et elle avançait la possibilité qu’on la croit s’approprier le castel de Tourmaline par sa venue. Un soupir, pour Déjanire. Impuissante devant ses sujets. Impuissante devant ses conseillers. Impuissante jusque-là, en Impératrice protégée. Il lui semblait que même dans la fuite, même dans l’exil, ses gestes n’étaient pas les bons, ses maladresses se cumulaient. Ses conseillers disaient peut-être vrai…

- Pardonnez mon audace. Vous savez certainement mieux que moi ce qui est convenable. Vous pouvez compter sur moi pour vous accompagner sur vos terres, si vous le désirez. Il me semble que ce soit une excellente idée que de vous montrer à votre peuple, à vos gens. Tout en assurant votre sécurité Votre Majesté, bien sûr.
- Votre parole en vaut une autre, Estelle. N'en doutez jamais, moins encore en ma présence...

Qu’aurait-elle fait, en situation inverse…? Elle aurait demandé à ce que toute une aile soit libérée pour son prince et sa suite. Elle aurait grondé, en conseil restreint, que les frontières se devaient d’être percées. Elle se serait réinventée souveraine guerrière pour rendre son dû à Hector de Demain, si la diplomatie qu’elle affectionnait tant ce serait avérée infructueuse... Mais ils l’auraient tempérée. Ils l’auraient convaincue de se jouer de prudence. Il était sans doute trop tôt pour s’avancer plus encore, tandis que les émotions des événements trop frais la submergeaient ce soir encore. Des journées interminables à songer au conflit, et des nuits sans fin pour songer à ce qu’elle avait dû abandonner. À ceux qu’elle avait laissé tomber.

- J’aurais aimé promouvoir l’Onyx, trop longtemps délaissé… Ils sont des enfants de Topaze, eux aussi. Mais votre idée est sans doute plus appropriée, il est vrai. J’ignore seulement comment me procurer des ouvrages rares et précieux alors que les bibliothèques impériales sont détenues désormais par la Trinité.

Si elle ignorait comment, elle n’affirmait qu’une demi-vérité, la douce Déjanire, l’esprit déjà ailleurs alors que son silence préservait ses secrets. Ses espions implantés ici et là dans sa princée dérobée. La Nacre parsemée de petits oiseaux fidèles et loyaux. Il lui faudrait patienter que l’une des Brumes communiquent avec elle pour exiger que l’on sauve quelques ouvrages anciens, vestiges de son Empire, témoins d’une histoire millénaire. Elle les savait capables de miracles, pour leur Impératrice. Seraient-ils capables de cela aussi? De dérober des trésors dans l’ombre de la Trinité? Tout était trop récent, trop vif, encore, pour mettre en place cette requête. Les espions devaient se sentir abandonnés ou esseulés, dans une terre conquise. De tout coeur… Par les dieux, de tout coeur, elle espérait qu’ils se portent bien. Tous. Qu’ils se soient montrés suffisamment prudents pour ne rien trahir de leur allégeance.

- Il serait peut-être possible de déplacer une parcelle de la collection d’Onyx au castel de Tourmaline, toutefois. Il me semble avoir vu quelques parchemins et traités sur les origines du pont d’Onyx et sur sa ville désormais oubliée, lors de mes visites. Vous pourriez m’aider à dénicher un nouveau nom pour cette collection… Il me semble bien qu’ils soient friands de la délicatesse d’une nomination nouvelle. Et la dame d’Onyx se montrera ainsi généreuse envers son prince.

Son regard sombre revenait sur Estelle, un peu plus enchantée par l’idée. Un peu plus certaine, également, dans ce qu’elle avançait. Un présent qui représentait les terres d’Onyx, ses terres, et les coutumes des gens de Topaze. Le prince Hector devait déjà en connaître l’existence, mais il pourrait en profiter dans le confort de son palais. Pour ce qui était des gens de l’Onyx… Elle comptait bien les visiter personnellement, Déjanire, et habiter cette parcelle de terre plus souvent, désormais que Topaze était son foyer. Un sourire, délicat, pour briser son minois songeur. Un sourire pour la remercier, également, d’avoir osé la confronter dans ses idées.
Estelle de Pastel
Estelle de Pastel
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Une reine soupire rarement en vain Empty Re: Une reine soupire rarement en vain

Lun 2 Aoû - 19:16
Estelle acquiesçait, elle approuvait. Déjanire n’était pas une idiote. Ce n’était pas la naïveté qui la guidait quand elle laissait les conseillers la ramener dans ce qu’ils appelaient le droit chemin. Quand ils réfutaient ses idées les unes après les autres. Comme une enfant. Elle savait la demoiselle de Pastel que derrière cette affable docilité se cachait un esprit vif. Elle reconnaissait cette envie de mettre de l’avant ce peuple qui était le sien, ce peuple qu’elle avait délaissé peut-être, un peu trop. Elle leur montrerait de la sorte que malgré tout, elle ne les a pas oubliés, que ce qu’ils représentaient à ses yeux valait suffisamment pour servir de présent royal. Un honneur non négligeable, il fallait l’admettre. Et si la demoiselle de compagnie avait soulevé une objection, osé proposer une idée de plus, ce n’était pas par mépris ou par total désaccord. Elle songeait seulement à ce qu’elle savait de la culture locale, elle tentait d’imaginer quel geste posé par l’impératrice paraîtrait le meilleur. Qu’elle montre qu’elle connaissait bien son peuple, qu’elle ne le gouvernait pas seulement de son château de la Nacre, entourée des murs qui la protégeaient, en théorie de tous les dangers. Après tout, n’était-ce donc pas cela que ces pouilleux de la Trinité lui reprochait? De n’être pas assez à l’écoute de ses sujets, trop loin de son peuple? Il était temps de renversé cette vague de révolution en montrant une Déjanire forte et solide. Une Déjanire pleine de compassion. Une Déjanire ouverte et cultivée. Bien qu’au fond d’elle-même, Estelle savait qu’elle rejoindrait la Trinité le jour où la position de l’Empire serait trop précaire, elle espérait sincèrement pour la victoire de sa souveraine. Ces moments passés à ses côtés lui avaient inspiré de l’affection pour la jeune femme, la veuve abandonnée de tous semblait-il. S’attacher était certainement une mauvaise idée, elle ne l’ignorait pas dans ce jeu de pouvoir, mais pouvait-elle vraiment s’en empêcher et contrôler ses sentiments que son cœur lui dictait? Non, impossible.

Et puis il y avait le problème de se procurer de tels ouvrages. Naturellement, la collection à Opale était la plus impressionnante puisqu’elle regroupait tout le trésor impérial et maintenant que le palais avait été assailli par les rats de la Trinité, impossible de s’y rendre en toute sûreté pour déplacer des objets de la collection. Estelle n’était toutefois pas bête. Elle ne croyait pas la chose impossible. Après tout, si elle-même avait en sa sœur une informatrice sur ce qui se passait à l’intérieur des terres qui l’avaient vu naître et qui lui était maintenant interdites, pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’impératrice? Il lui restait sûrement quelques loyaux sujets là-bas, prêts à risquer leur vie pour elle. Mais elle comprenait que ce genre d’informations devaient rester confidentielle. Que peut-être Déjanire ne lui accordait pas suffisamment sa confiance pour lui confier un tel secret. Cela viendrait. Estelle comptait bien se rapprocher de sa souveraine pendant cette période trouble, réussir à se hisser en importance dans la hiérarchie. Lorsque la Nacre serait conquise à nouveau, qu’elle pourra retourner sur ses terres, elle escomptait le faire avec le titre de baronne cette fois. Titre octroyé en récompense de sa loyauté et de ses bons services. L’Empire devait gagner. Elle avait beaucoup plus à perdre si la Trinité l’emportait.

- J’ignore si j’ai la créativité suffisamment aiguisée pour rivaliser avec les Topaziens pour l’invention de nouveaux noms, mais je vous appuierai comme je le pourrai dans cette tâche, Votre Majesté.

En vérité, la brunette réfléchissait déjà à ce qui pourrait être proposé tout en se sermonnant, considérant qu’elle ignorait quelle partie de la collection la reine prévoyait offrir à son vassal : si elle avait une idée de quels sujets traiteraient les précieux ouvrages, la tâche serait plus aisée.

- Je crois qu’offrir quelques étalons serait bienvenu. Onyx doit sentir votre attachement pour vos terres, votre absence pourrait les en avoir fait douter bien que vous ne leur ayez jamais retiré votre affection. Cela servira également à témoigner auprès de ces vauriens de traitres qui soutiennent la Trinité que même à l’extérieur de votre capitale, vous n’êtes pas sans ressources. Ils n’ont pas besoin de savoir à quel point celles-ci sont peut-être plus limitées. Si elles le sont.

Elle s’était exprimée avec conviction la belle Estelle. Elle avait bien l’intention de prouver sa loyauté. De montrer à celle qu’elle servait qu’elle pouvait compter sur elle. Même si ce n’était qu’apparence, même si son allégeance pourtant d’apparence si décidée était par moment chancelante. Malgré tout, dans ce tourbillon d’émotions conflictuelles, cette crainte de tout perdre, elle était sincère. Elle souhaitait la victoire de sa souveraine. Pas juste pour son gain personnel, même si c’était une motivation plutôt importante. Elle était curieuse de voir jusqu’où, maintenant départie de ses vieux conseillers, Déjanire pourrait aller. De quelle façon elle pourrait changer la face du monde qu’ils connaissaient tous.

- Peut-être sera-t-il plus aisé de choisir un présent pour les souverains de Rubis et d’Aiguemarine lorsque vous irez les visiter eux aussi, bien que je considère plus attendu que la princesse et le prince viennent vous voir eux-mêmes plutôt afin de vous rassurer sur leur allégeance inchangée. Après tout, il serait indécent qu’ils ne viennent pas à votre rencontre alors que vous vous retrouvez en situation de détresse pareille. Il est de leur devoir de voler à votre secours et j’attends leur arrivée à tout moment. J’imagine qu’ils ne sont pas encore là parce qu’ils doivent organiser leur départ et laisser au prince Hector le temps de préparer sa demeure à recueillir toute la royauté sous son toit.

L’aînée des Pastel s’était exprimée avec une sincère chaleur en exprimant le souhait de voir les autres princées arriver, peut-être même suivies par leur armée, prêtes à entrer en guerre contre les usurpateurs et à reprendre ce qui revenait de droit à leur impératrice. Son ignorance du monde, sa vie passée à grandir dans le confort douillet d’une maison où les voix s’élevaient rarement, loin de tout conflit militaire excusaient certainement son optimisme presque par trop débordant. Plus tard, lorsque nul signe des voisins ne se montreraient autrement que par correspondance, elle goûterait cette amère déception, mais pour le moment, elle était encore pleine d’espoir, prête à voir tout ceci être rapidement réglé, puis oublié.
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