Ocean Eyes ft Sarpédon & Evariste

La famille Ondenoire disposait d'une belle maison à la capitale, c'était de connaissance public, leur maison était élégante, grande, de plein pied, comme toutes les autres maisons, petit à petit constance avait acheté les autres maisons aux alentours pour se bâtir son petit royaume , Après que mère ait fait fructifier son héritage d'une bien belle manière, les Ondenoire avaient pu se payer une bien jolie demeure à la campagne un peu excentré, il fallait marcher un petit kilomètre avant d'accéder au village, au marché, au bruit, à la vie. Ainsi, la maison de Roche-Perlée était une imposante maison, d'un style tout particulier, de nombreux sculpteurs étaient venus s'amuser à créer dans la pierre quelques coquillages, quant à moi, j'avais enchanté la façade peu de temps après mon retour en Aiguemarine après mes études. Ainsi, on pouvait voir des silhouette colorées et marines glisser le long des murs. Parfois le charme cessait, et j'étais obligé de me déplacer pour le réactiver (enfin... ça c'est ce que Adrastée aurait voulu... A part que j'étais pas à sa botte, et que généralement j'avais d'autres choses plus palpitante à faire que d'effectuer les caprices de la demoiselle).
A Roche-Perlée, il y avait de belles écuries, les bêtes qui y nichaient étaient de race, du moins c'était ce qu'avait affirmé ma mère à quiconque l'écoutait. La réalité... Etait un mélange parfaitement hétéroclite allant du cheval de trait au cheval d’apparat (comme aimait les appeler Adrastée) mes sœurs n'avaient pas les mêmes craintes que moi vis à vis de ces grands animaux. J'étais venu ici pour me reposer, j'avais été viré du pied-à-terre de la compagne pour que je prenne du repos et le temps de me soigner, il fallait dire que j'avais fini avec une bien méchante entaille barrant mon torse, que le tout s'était infecté -il fallait que ça m'arrive à moi-. J'avais donc pris du temps pour me reposer et pour me soigner un peu. En prime à cette époque de l'année il n'y avait ni Adrastée ni Agathe, et je m'étais bien abstenu de prévenir qui que ce soit. Ma seule compagnie était Sarpédon, palefrenier et globalement homme à tout faire de la maison depuis maintenant dix ans. Tout le monde dans la famille connaissait la terrible histoire du jeune homme. Et si au départ j'avais quelques craintes de me retrouver, par contact, dans la même situation que lui, dépourvu de magie, il n'en était rien et ça ne s'était jamais déroulé, j'avais donc laissé ma méfiance de côté.
Après une matinée passée à m'entraîner sur un vieux mannequin que j'avais pas installer durant l'une de mes précédentes visites (il était vieux, couvert d’éraflures mais faisait son travail), j'avais ensuite passé un peu de temps à nettoyer et graisser mon épée. Quand je voyais celles de certains mercenaires, pleines de vieux sang séché et de rouille... Je m'étonnais qu'ils ne s’attrapent pas la peste rien qu'en la sortant de leur fourreau. Je l'avais ensuite rangée soigneusement dans mes affaires, et m'étais glissé jusqu'aux écuries.

"Bonjour. Comment tu vas ? Tu as pu jeter un oeil à Braise ? Je dois t'avouer qu'il me semble l'avoir vue boiter la dernière fois que je suis venu la voir."

Braise, petite pouliche de 3 ans à peine avait un caractère doux et docile. Une crème. Je devais avouer que c'était un des rares quadrupèdes de son espèce avec lequel j'acceptais de voyager. L'animal que j'avais eu avant, Tempête, m'avait envoyé dans le décor beaucoup trop souvent pour que j'ai confiance. En échange de son tempérament des plus facile à vivre, je me laissais aller de temps en temps à quelques marques d'affections bien maladroite. ça lui allait très bien, ça me convenais tout autant... Tout le monde était heureux dans le meilleur des mondes, que voulez-vous.

J'avais beau me plaindre, en réalité j'étais bien loti. Ma famille avait de l'argent, je vivais la vie que je voulais et je n'avais aucun titre de noblesse ou autre à porter, aucune éducation particulière à avoir. Et pourtant... Pourtant j'étais pas satisfait. Je pense que la nature humaine était faite ainsi. On était jamais totalement heureux, y'avait toujours quelque chose, une caillasse dans une botte, ou je ne sais quoi. Quelque chose qui posait problème. J'avais une vie de roi en comparaison de celle du jeune blond qui vivait dans notre maison de campagne. Il était arrivé comme ça... Un beau jour, caprice de l'une de mes soeurs. Agathe sans doute. Elle était connue pour ça, elle avait son petit caractère. Un sourire et un petit reniflement amusé m'échappèrent aux mots de Sarpédon.

"Ne t'en fais pas. Je m'entraîne depuis des années pour ce qui est de la discrétion. C'est bon signe. J'ai pas trop loupé ma vocation."

Un sourire, et un clin d'oeil pour le jeune homme. J'avais pris l'habitude de marcher en silence, pas de grands mouvements, juste assez de fluidité pour pouvoir me glisser dans la discrétion la plus totale. C'était pratique pour fuir mes soeurs, c'était pratique pour exécuter un contrat, surprendre l'adversaire.

"Braise... Ma monture. Une femelle pie."

Je levais finalement les mains vers lui, secouant la tête, doucement.

"J'ai tout mon temps, et elle aussi, ne t'en fait pas. C'est pas un ordre ou quoi que ce soit. Je ne doute pas qu'elle soit entre de bonnes mains."

J'avais perdu l'habitude de vivre avec du personnel à la maison. Je m'occupais tout seul de moi, comme un grand garçon indépendant, même si mes soeurs pensaient qu'un homme ne devait pas avoir d'indépendance. Je vivais ma propre petite vie, et le premier qui osait m'approcher pour me proposer de l'aide à l'habillage, avec ses mains sans doute pleines de saloperies, pouvait bien aller se faire voir. Fallait dire que mon entrée dans la Compagnie de Diamant avait pas mal refréné mes soeurs quant à m'imposer quoi que ce soit, et c'était tant mieux. Je baissais les yeux vers mon torse. J'avais enfilé des vêtements typiques d'Aiguemarine, un haut ample, bleu-vert laissant voir une partie de mon torse, et ma plaie, c'était pratique pour savoir si les bandages étaient saturés ou non.

"ça suinte plus, ça commence enfin à se refermer et j'ai plus l'impression de brûler de l'intérieur... Je crois que ça va commencer à s'arranger, mais je risque de garder une belle balafre. C'est la vie..." Un petit soupir m'échappe. "Comme tu es la seule personne dans les parages... ça te dirais de prendre ton repas de midi avec moi ? Je crois que je vais finir fou, et me mettre à parler aux murs si je continue comme ça."

A la compagnie de diamant, y'avait des gueux, des nobles, on se traitait tous sur un pied d'égalité, et j'devais avouer que c'était pas désagréable. J'avais gardé cette habitude.

Si avant, je n'avais jamais rien écopé d'autre que quelques égratignures et autres coupures, j'avais toujours eu peur d'être confronté à pire... D'être dans l'incapacité de réagir en situation de combat. Mais... ça n'avait pas été le cas, au contraire, la peur n'avait pas paralysé mon corps, et la rage de vivre, l'instinct de survie avait fait le reste. Mon regard sombre glissa sur le jeune Argile à côté de moi. Si toutes les portes s'ouvraient à ma petite personne... Il n'en était pas de même pour lui, au figuré, comme au littéral. Rien ne répondait, les objets ne détectaient pas sa présence, c'était comme si il avait été gommé de ce monde, que la vie en elle même le reniait. Il avait tout perdu, et moi... Moi j'avais tout. Enfin presque. Ma mère s'était désespérée quelques fois que son premier né ne soit qu'un garçon.

Je m'étire, sentant l'entaille qui commençait juste à se refermer tirer. C'était pas une sensation douloureuse, c'était juste désagréable. Je m'attendais à voir ma peau se scinder en deux si je jouais trop aux cons. Je m'élançais vers le bâtiment principal.

"Tu n'arriveras déjà pas à rentrer si je suis pas avec toi. Puis bon..." Je hausse les épaules. "Je ne suis pas mes soeurs. Je sais me débrouiller, t'en fait pas. Je m'en occupe. J'ai rien d'autre à faire que de bailler aux corneilles. Par contre..."

Je sors de ma poche une petite boîte en bois. J'en avais au moins cinq dans mes affaires, que je disséminais un peu partout.

"Laves toi les mains, tu veux ? C'est cadeau. Gardes le. C'est un simple savon. Pas grand chose."

J'avais fais en sorte de garder la porte ouverte le temps qu'il me rejoigne, et j'avais commencé à retirer mes gants, mettant ainsi à vue le tatouage qui trônait sur le dos de ma main, frottant ces dernières avec énergie, et les rinçant dans l'eau fraîche d'un sceau. Je sortais finalement du garde manger quelques victuailles, des petites galettes de pain plat au piment, spécialité de chez nous, j'avais également sorti du garde manger du filet mignon fumé et du fromage, posant le tout sur la table. Dans l'âtre de la cuisine, une épaisse marmite gardait au chaud, dans l'âtre une sorte de potée. Je pointais du pouce ce qui se trouvait derrière moi.

"Tu vois ? ça mijote depuis ce matin. Donc y'avait pas besoin de se casser la tête." Je lui tend le plat contenant les pains. "Tiens. Sers toi et installe toi. ça va faire des lustres que tu t'occupes des écuries de Roche-Perlée mais je crois qu'on a jamais trop parlé toi et moi."

Je me lève pour re-laver, avant de les utiliser, et mon écuelle, et mes couverts, que j'imaginais sans mal couverts de miasmes.